Thomas Saias : Qu'est-ce que la psychologie communautaire ?

Les psychologues communautaires, encore méconnus en France, interviennent au niveau territorial pour remplir des missions intéressant directement les citoyens. Le 7e congrès de psychologie communautaire se déroulera pour la première fois en France, à Paris, les 29 et 30 octobre 2009, à l'Institut catholique de Paris (http://www.eccp-paris2009.com). Explications de Thomas Saias, président de l’AFPC (Association française de psychologie communautaire).

Qu’est-ce que la psychologie communautaire ?

C’est une discipline qui s’intéresse à la psychologie au sens territorial du terme. C’est-à-dire qu’elle s’intéresse à la fois au territoire et aux individus dans leur environnement, avec une perspective écologique et environnementale. objectif est de promouvoir des conditions de vie favorables, avec des conditions sociales qui permettent de lutter contre les inégalités en terme d’accès aux soins et de droits. C’est une psychologie du quartier, de la communauté, du territoire. Il n’existe que très peu de modèles qui permettent d’objectiver les conditions d’implantation des projets communautaires. En France, on a une longue expérience dans le travail social de ce qu’on appelle l’intervention sociale d’intérêt collectif. Mais on reste dans des expériences sociales très empiriques qui ne sont pas modélisées. Il n’existe pas de support théorique solide qui puisse étayer ces interventions sociales engagées et militantes. Le psychologue communautaire a donc pour objectif de mettre en place des actions sur le terrain, de les modéliser, et de faire en sorte que ces implantations marchent.

Quels sont les champs d’action de la psychologie communautaire ?

Le psychologue intervient à la demande des territoires, des collectivités locales, municipalités, conseils généraux et structures d’intérêts collectifs qui embauchent des psychologues en tant qu’ingénieurs et directeurs. Par exemple, un psychologue peut intervenir dans un système de santé territorial comme une PMI (Protection maternelle et infantile), pour adapter des services avec les besoins du territoire en faisant participer les habitants. Le psychologue communautaire est aussi concerné par les milieux associatifs qui luttent contre les inégalités, pour l’accès au droit et la prévention de la santé. Il peutintervenir auprès de populations précarisées, sans domicile fixe, exclues, et travailler avec elles leur réinsertion sociale, en agissant directement dans leur environnement (auprès d'employeurs ou d'associations...). Il peut aussi travailler auprès des habitants d'un quartier pour les accompagner dans leur démarche relative à un projet santé, ou un projet social. Ou encore, il peut travailler auprès des élus et institutions pour promouvoir la participation des habitants, des citoyens, des usagers, aux prises de décisions. L’ensemble des psychologues qui ont un esprit militant dans leur pratique, sont susceptibles de s'intéresser à cette démarche. Par exemple les psychologues qui travaillent dans le social, qui se déplacent chez les personnes pour améliorer leurs conditions de vie, ne se sentent pas toujours légitimes dans l’exercice de leur métier, car ils sont marqués par les clichés de la psychologie clinique, dont celui de la neutralité bienveillante. Avec la psychologie communautaire, ils ne sont plus cantonnés à ce stéréotype, mais ont leur place en tant que psychologues communautaires. En fait, de nombreux psychologues font de la psychologie communautaire sans le savoir ! C’est pourquoi l'AFPC entend les rassembler autour d’une discipline commune qui permettrait de recueillir leurs expériences et de créer des modèles plus adaptés. Cette discipline ne veut pas promouvoir un modèle à tout prix, mais plutôt rassembler ce qui existe en France.

Quelles sont les différences entre psychologie sociale et psychologie communautaire ?

Traditionnellement, la psychologie sociale relève du domaine expérimental. C’est une psychologie appliquée, qui rend compte des effets globaux d’interactions de l’individu avec son environnement. Mais en psychologie communautaire, nous prenons en compte le facteur territorial : nous essayons de décrire les différences d’un territoire à l’autre, et nous établissons nos modèles d’intervention en collaboration avec les citoyens, les habitants, qui sont les experts de la situation vécue. La participation communautaire est fondamentale, ce qui nous limite d’un point de vue purement académique.

Quels sont les enjeux actuels de la psychologie communautaire ? Quelles problématiques seront abordées lors de son prochain congrès ?

Nous avons la chance d’accueillir le congrès européen : c’est la première fois qu’un événement de la psychologie communautaire se déroule en France. Ce que j’ai voulu donner comme thématique à ce congrès, c’est partir de notre pratique afin d’identifier des modèles et de questionner les valeurs qui sous-tendent notre action. Ce sera aussi l’occasion pour le public français de découvrir ce qui se fait d’un point de vue international, car la psychologie communautaire existe dans d’autres pays depuis déjà une cinquantaine d’années. Elle fait l'objet d'enseignements universitaires aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Australie, mais aussi en Europe (Royaume-Uni, , Allemagne, Italie, etc). Nous essaierons de voir s’il peut exister une psychologie communautaire à la française, avec ses spécificités. A chaque nouveau territoire, on doit remettre en question les modèles existants. Parmi les grands thèmes abordés figureront également la pratique du psychologue dans le social et l’humanitaire, ainsi que des présentations de la psychiatrie communautaire telle qu'elle est déjà répandue en France. La conférence introductive sera donnée par la sociologue Denise Jodelet, qui nous aidera à travailler sur les modèles qui permettront à la psychologie communautaire de se doter de bases plus solides.