Il n’y a pas de maladies mentales, il n’y a que des circuits nerveux inconnus ou mal explorés ». C’est peut-être dans cette phrase que tient la pensée de Timothy Leary. Reconditionnement cérébral, désapprentissage des névroses et des réflexes anxieux, absorption de substances permettant « l’élargissement » de la conscience humaine… Le psychologue américain, relativement méconnu en France, auquel est accolée une réputation sulfureuse outre-Atlantique, demeure marginal. Si bien qu’il est complexe d’identifier une expertise neuroscientifique contemporaine se nourrissant de ses intuitions – qui, de son propre aveu, basculent parfois vers la fiction 1.
Né à Springfield, dans le Massachusetts, en 1920, Timothy Leary sort diplômé d’un doctorat en psychologie de l’université de Berkeley, en Californie, à 30 ans. Il mène ses premiers travaux sur les relations interpersonnelles et l’évaluation de la personnalité 2 dans les années 1950, enseignant ensuite la psychologie clinique à Harvard. C’est en 1960 qu’il vit sa première expérience psychédélique, en goûtant à des champignons hallucinogènes à Cuernavaca, au Mexique. De ce « voyage », il estimera avoir appris davantage sur la psychologie, mais surtout sur son cerveau et ses possibilités qu’en toutes ses années d’études et de recherches.
« Je fus convaincu, sans aucun doute possible, que je venais de le réveiller d’un long sommeil ontologique. Cette soudaine illumination est ce que j’appelle : se brancher, relate-t-il en préambule de son essai Neurologique. Depuis mon illumination d’août 1960, j’ai consacré la plus grande partie de mon énergie à essayer de comprendre les possibilités encore latentes du système nerveux humain qui m’avaient été ainsi révélées et à en faire profiter les autres. »
Alors affilié au Harvard Center for Research in Personality, il y réalise des expériences portant sur les effets de l’usage de psilobycine, une substance psychoactive présente dans certains champignons hallucinogènes, en collaboration avec un autre professeur de psychologie, Richard Alpert. Des expériences de Leary qui, toujours à l’orée des années 1960, se poursuivront notamment sur des prisonniers, afin de tester les évolutions de leurs comportements antisociaux après ingestion de psilocybine, combinée à une psychothérapie – avec des conclusions ultérieurement contestées 3.
La voie psychédélique
Après une première prise de LSD en 1961, Leary devient convaincu de ses bienfaits thérapeutiques et spirituels. Toujours en collaboration avec son confère Alpert, il se livre aussi à des expériences sur les effets de la substance, alors encore autorisée, avec des étudiants… Ce qui lui vaut d’être renvoyé d’Harvard en 1963, officiellement pour ne pas avoir rempli ses missions d’enseignement. Écartés du monde universitaire, Alpert et Leary poursuivent leurs propres recherches dans le manoir de Millbrook, près de New-York, où affluent des adeptes de ces nouveaux chantres du psychédélisme, en quête de spiritualité.