Depuis le début des années 70, la population emprisonnée aux Etats-Unis a augmenté de façon spectaculaire, de telle sorte que le taux d'incarcération y est aujourd'hui six à douze fois plus élevé que celui des pays membres de l'Union européenne, et que les prisons constituent le troisième plus gros employeur du pays.
Cette population carcérale continue d'augmenter au rythme de 2 000 détenus supplémentaires par semaine, soit 9 % d'accroissement en moyenne par an. Comme le souligne le sociologue Loïc Wacquant dans un article richement documenté, « aucune nation démocratique n'a jamais connu une telle boulimie carcérale, même en temps de crise sociale aiguë et de conflit militaire ». Or, cette explosion de la population incarcérée s'explique, non par la montée de la criminalité violente, mais par l'extension du recours à l'emprisonnement pour une gamme de crimes et délits qui n'entraînaient pas jusque-là de condamnation à la réclusion, à commencer par les infractions mineures à la législation sur les stupéfiants et les atteintes à l'ordre public. Ainsi, « les maisons d'arrêt sont devenues de gigantesques entreprises d'entreposage et de tri des populations pauvres et précaires ».