Trois questions à... Anne-Sophie Nyssen

Travail, l'impossible respect des règles

À la multiplication des normes, règles et procédures répond leur violation de plus en plus fréquente par le travailleur. Quelle en est la cause ? Ne tente-t-il pas simplement de mener sa tâche à bien en s’adaptant aux circonstances ?

En 1990, plus de 70 % des accidents d’aviation étaient attribués à l’erreur humaine. Ce pourcentage reste d’actualité et, moyennant de légères variations, se retrouve dans les autres systèmes sociotechniques à haut risque – chimie, nucléaire, médecine… Pointer l’homme du doigt revient à oublier que ses initiatives sont souvent des tentatives d’adaptation à des conditions de travail non optimales engendrées par la pression économique et les contraintes organisationnelles et techniques.

En réaction au défi posé, deux grandes démarches prévalent aujourd’hui. La première, l’automatisation, a l’inconvénient de créer de nouvelles formes d’erreur. Dans l’aviation, par exemple, on observe des phénomènes de perte de conscience de la situation, de même que des confusions entre les modes automatique et manuel. Pour tenter de contrôler la composante humaine, une autre solution est la multiplication des procédures, règlements et normes.

Cette stratégie engendre cependant un nouveau problème dans les entreprises : la violation des procédures par les opérateurs. Ainsi, dans 50 % des chantiers de construction, la législation sur la sécurité n’est pas respectée. Ici, on ne place pas de garde-corps pour aller plus vite ; là, le travailleur ne porte pas de casque sous la chaleur de l’été… Dans un autre monde, celui des hôpitaux, telle infirmière ne suit pas rigoureusement le protocole de vérification prétransfusionnel au lit du patient car aucun médecin n’est disponible pour la double vérification…