Trois questions à Hervé Le Bras : La population mondiale n'est pas une menace

Le décompte de la population mondiale a toujours été lié à l’angoisse des limites de la planète. Aujourd’hui, il est devenu une arme dans la compétition pour les ressources.

Dix milliards d’habitants sur Terre en 2040 : comment les nourrir ? La surpopulation semble mener notre planète à la catastrophe. Mais Hervé Le Bras est un démographe pugnace qui ne s’en laisse pas facilement conter : il connaît l’usage des grands nombres, et l’effet que l’on peut en tirer. Selon lui, la crainte populationnelle est un chiffon que l’on agite volontiers pour régler d’autres problèmes. Pour le montrer, dans son dernier essai (1), il fait un large détour par l’histoire. Les premières tentatives d’évaluer la population mondiale remontent à 1682 : le philosophe William Petty part du couple biblique, double à chaque génération et aboutit à 320 millions de personnes. Dans la foulée, il prévoit que la fin du monde aura lieu lorsque la Terre portera deux habitants par demi-hectare, et fixe l’échéance 6 000 ans plus tard. « Ces premiers calculs, dit H. Le Bras, contiennent déjà les inquiétudes qui vont accompagner la notion de population mondiale : surfaces restreintes, ressources rares et catastrophe finale. » Faut-il en conclure que la notion de population mondiale n’a pas d’usage autre que celui de la prophétie et la mobilisation de l’opinion ?

 

En quoi la croissance démographique est-elle un problème ?

La menace de surpopulation a connu plusieurs formulations. A la fin du XVIIIe siècle, Thomas Malthus met en garde contre le dépassement des ressources alimentaires disponibles. La production mondiale est à l’époque limitée parce qu’on ne connaît pas d’autres engrais que biologiques (fumure, engrais vert, assolement triennal). L’invention des engrais chimiques au début du XIXe siècle rend optimiste, et du coup, le calcul de la population mondiale maximale ou durable n’est plus à l’ordre du jour. D’autres craintes dominent : la peur de la dégénérescence puis la peur de la concurrence entre les races. Les vues catastrophistes liées à la multiplication des pauvres deviennent un leitmotiv de la pensée eugéniste au début du XXe siècle.