La vie en société exige souvent de contrôler ses émotions. Se mordre les lèvres pour ne pas injurier un(e) collègue, rester de marbre lors d'une négociation commerciale, retenir un geste de violence face à un enfant infernal, ou garder un ton de voix normal lors d'une discussion de couple, les occasions de tester sa capacité de contrôle sont multiples. Mais quel est le coût d'un tel contrôle de soi ? Cela dépend de la stratégie utilisée.
Le psychologue américain James J. Gross, de l'université de Stanford, distingue deux façons de contrôler ses émotions : la première consiste à cacher du mieux qu'on peut l'émotion qui nous submerge, en contrôlant ses gestes, sa voix et ses expressions faciales. La seconde possibilité est de « réévaluer » la situation afin d'en changer le sens, comme par exemple, transformer une future épreuve en défi afin de se centrer sur ses bénéfices potentiels. Dans ses travaux antérieurs, J.J. Gross a montré que la seconde option était la plus efficace pour réellement diminuer l'émotion ressentie, tant subjectivement que physiquement.
Dans ce dernier groupe de recherche, mené avec Jane M. Richardsson, il examine l'effet du contrôle des émotions sur la mémorisation de l'événement qui les a causées.
Les chercheurs ont demandé à leurs participants de contrôler leurs émotions en laboratoire face à un film, ou de prendre note, pendant quinze jours, des émotions qu'ils avaient vécues dans leur vie quotidienne et du contrôle qu'ils en avaient eu. Dans les deux cas, cacher ce que l'on ressent en inhibant ses expressions diminue la précision des souvenirs.
Par contre, contrôler ses émotions en réévaluant la situation, en adoptant un autre regard sur les choses, semble n'avoir aucun effet particulier sur la mémoire.
L'explication serait la suivante : l'attention nécessaire au contrôle des émotions ne peut être consacrée à la mémorisation de la situation. Alors, le flegme est-il à adopter en toute circonstance ? Peut-être pas. Car oublier les détails d'une conversation importante peut être aussi dommageable pour une relation que d'avoir laissé libre court à ses émotions.
Références
J.M. Richards et J.J. Gross, « Emotion regulation an memory: The cognitive costs of keeping one's cool », Journal of Personality and Social Psychology, septembre 2000.