Un tiers des patients touchés par la schizophrénie ne répondent pas au traitement de première ligne, mais au deuxième, voire au troisième, et pendant cette période de tâtonnement, leur état se dégrade, la maladie s’aggrave. La faute à la difficulté de poser parfois le diagnostic et de différencier à coup sûr une schizophrénie classique d’un syndrome schizo-affectif qui ne nécessite pas le même traitement (le patient s’inscrivant alors davantage dans un continuum de symptômes qu’il ne répond à une classification pathologique étanche). La faute aussi aux réponses de chacun aux traitements. Et puis, à maladie égale, un même médicament ne donne pas toujours le même résultat.
Pour plus d’efficacité thérapeutique, des chercheurs tentent d’identifier, depuis plusieurs années, des biomarqueurs qui constitueraient des indicateurs de la maladie et de la réponse aux traitements possibles. Peu de résultats garantis à ce jour du côté de l’imagerie cérébrale, trop de contraintes pour analyser le liquide céphalorachidien par ponction lombaire. Mais une simple prise de sang – rapide, économique et peu douloureuse – pourrait mettre à jour ces fameux biomarqueurs. C’est le pari qu’ont fait le Pr Nicolas Glaichenhaus de l’Université Nice-Sophia Antipolis et son équipe mixte INSERM-CNRS, en croisant les domaines de la psychiatrie et de l’immunologie. « Nous sommes partis du constat que certains dysfonctionnements du système immunitaire, et notamment la production anormale de cytokines inflammatoires, favorisaient l’apparition de maladies psychiatriques, explique-t-il. Nous avons donc mesuré la concentration de ces cytokines dans le sang de plusieurs centaines de patients schizophrènes ». Avec l'aide de deux mathématiciens de l’équipe, Michel Barlaud et Lionel Fillatre, Nicolas Glaichenhaus a utilisé une méthode de classification statistique supervisée, appelée aussi « machine learning », pour analyser ces données biologiques et les croiser avec les observations cliniques des psychiatres. Cela a permis de mettre au point un algorithme pour prédire à près de 80%, sur la base d'une simple analyse de sang, la réponse d’un patient à un antipsychotique de première ligne. Ce qui permet de proposer sans attendre aux non répondeurs un médicament plus adapté.