Un concept politiquement correct ?

Prenons l’histoire d’un jeune homme dont le père était plus ou moins alcoolique, et dont la mère est morte d’un cancer. À 20 ans, contrarié dans sa vocation artistique, il dort dans la rue. À 50 ans, il parvient au sommet de l’État et se voit adulé par son peuple. Bel exemple de résilience ? Voire : il s’agit là d’Adolf Hitler. Celui qui ne manifeste pas de respect (de soi-même comme des autres) en retombant sur ses jambes après les épreuves n’est généralement pas considéré comme résilient. Boris Cyrulnik, par exemple, nie la possibilité que le pervers puisse atteindre la résilience. Pour sa part, Serge Tisseron se demande quelle exigence morale peut justifier cette pétition de principe alors que le pervers a trouvé une façon de vivre adéquate à ses propres valeurs : « N’oublions pas que les kamikazes du 11 septembre 2001 ont dans l’ensemble été décrits comme de bons maris, de bons parents et éventuellement de bons éducateurs, malgré des parcours personnels pour la plupart difficiles. Bref, ils étaient exemplaires, jusqu’à leur acte suicidaire et meurtrier, d’une solide résilience (1). » Une personne résiliente serait-elle l’incarnation du « saint laïc » ?, se demande-t-il encore.

 

NOTE :

(1) Serge Tisseron, « Ces mots qui polluent la pensée. “Résilience” ou la lutte pour la vie », Le Monde diplomatique, n° 593, août 2003.