Difficile de choisir parmi les écrits d'Elisée Reclus, un « classique », tant son oeuvre est riche, abondante. A sa mort, on recensera près de 265 ouvrages ou articles (dont certains traduits en anglais, en espagnol, en italien et même en braille...), soit entre 25 000 et 30 000 pages. Dès 1851, il écrit des articles (sur le « Développement de la liberté dans le monde ») qui seront publiés après sa mort dans des revues anarchistes (Le Libertaire est traduit en italien - Pensiero volonta- et en espagnol - La Protesta, à Buenos Aires- dans les années 1925). La publication de son premier ouvrage, Lettres d'un voyageur et Nouvelle-Grenade, date de 1857.
Auteur prolixe, E. Reclus vise des publics variés : les hommes de science et les intellectuels mais aussi les ouvriers, les paysans, les hommes politiques. Son oeuvre de géographe ne se départit pas de son engagement politique ni d'un idéal anarchiste. Aussi s'exprime-t-il sur des supports multiples : des guides de voyageurs (les Guides Joanne de la maison Hachette), qui contribuèrent à sa notoriété; des publications résolument scientifiques (comme la Revue des deux mondes, le Bulletin de la société de géographie de Paris) ou de vulgarisation (Bibliothèque d'éducation et de vulgarisation éditée par Hetzel), sans oublier les supports de propagande libertaire (L'Idée libre, Le Libertaire).
Une oeuvre encyclopédique
Son oeuvre maîtresse n'en reste pas moins la Géographie universelle que lui commande l'éditeur Hachette. Le titre dit bien l'objectif de cette entreprise monumentale : dresser l'état de la connaissance sur les pays et régions du monde. Ecrite entre 1875 et 1894, elle totalise 19 volumes, 17 873 pages et 4 290 cartes. Le communard Gustave Lefrançois et le Russe Léon Metchnikoff y ont certes contribué, mais cela reste bien peu comparé au nombre de géographes mobilisés pour les géographies universelles publiées ultérieurement...
A bien des égards, sa Géographie universelle s'apparente à une géographie de cabinet : E. Reclus rédige à partir des récits de voyageurs et d'autres géographes qu'il a compilés. Mais il met aussi à profit les connaissances et observations accumulées au cours de ses nombreux voyages, volontaires ou forcés : en Angleterre, en Irlande, en Suisse, aux Etats-Unis, en Colombie...
D'autres oeuvres méritent qu'on s'y arrête quelques instants tant elles annoncent ou complètent le travail entrepris avec la Géographie universelle : La Terre. Description des phénomènes de la vie du globe, publiée en 1868 (soit 2 tomes et 1 606 pages); l'Histoire d'un ruisseau (voir encadré p. 46), suivi, onze ans plus tard, d'une Histoire d'une montagne ; enfin, L'Homme et la Terre, dont le premier tome paraît l'année de sa mort à la Librairie universelle (5 tomes suivront, publiés entre 1905 et 1908).
Comme ses écrits, la Géographie universelle livre de longues descriptions dans un style littéraire. D'aucuns ne manqueront pas de le souligner pour mieux en minimiser l'intérêt. C'est confondre le goût pour la description avec le sens de l'observation. « C'est l'observation de la Terre qui nous explique les événements de l'histoire, et celle-ci nous ramène à son tour vers une étude plus approfondie de la planète, vers une solidarité plus consciente de notre individu, à la fois petit et si grand, avec l'immense Univers » (préface de L'Homme et la Terre).