Une politique de la langue. La Révolution française et les patois : l'enquête de Grégoire

Michel de Certeau, Dominique Julia et Jacques Revel, Gallimard, rééd. 2002, 472 p., 9 €.

Voici une occasion de prendre la mesure de ce que peut apporter le livre de poche : mettre à la portée de tous les porte-monnaie une oeuvre singulière, érudite et forte. Il s'agit dans le cas présent de la réédition d'un ouvrage de cet inclassable que fut Michel de Certeau, disparu il y a dix-sept ans, et qui publiait en 1975 Une politique de la langue, avec Dominique Julia et Jacques Revel (qui signent ici une postface inédite).

Le 16 prairial an II (1794), est présenté à la Convention le Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française, rédigé par l'abbé Grégoire. On y lit notamment : « On peut uniformiser le langage d'une grande nation, de manière que tous les citoyens qui la composent puissent sans obstacle se communiquer leurs pensées. Cette entreprise, qui ne fut pleinement exécutée chez aucun peuple, est digne du peuple français. » Ce texte s'inscrit dans une politique, fortement encouragée à la Révolution, qui vise à faire du français la langue de tous les Français. Même si la langue officielle est fixée depuis 1539, et même s'il faut attendre les grandes lois scolaires de la IIIe République pour qu'aboutisse le programme d'éradication des dialectes, c'est bien à la Révolution qu'une politique offensive de la langue est affirmée.