Certains se souviennent peut-être de l’Armée rouge japonaise, faction qui, à partir des années 1970, fit partie de la nébuleuse du terrorisme international d’extrême gauche. Issue de la même matrice (la radicalisation des mouvements étudiants au tournant des années 1960), l’Armée rouge unifiée connut, contrairement à sa rivale internationaliste, une existence éphémère mais déterminante dans la vie politique nipponne. Une prise d’otages surmédiatisée et la découverte de quatorze membres exécutés au sein du groupuscule sonneront en effet le glas du mouvement contestataire radical. Longue fresque en trois parties, United Red Army revient sur l’histoire du mouvement en un film fleuve inégal. Il faut accepter de subir une première partie trop longue, trop confuse et superficielle pour ensuite accéder à une expérience de cinéma d’une rare intensité. Cinéaste issu de la nouvelle vague japonaise, Koji Wakamatsu peine en effet à raconter la genèse du groupe. Son habileté à restituer le climat de violence et de radicalité de la période ne suffit pas à compenser une propension à l’exhaustivité qui le confine à une esthétique de téléfilm : les personnages se succèdent sans avoir la place pour exister. Lorsque l’histoire se resserre autour du petit groupe qui se retire dans les montagnes pour s’entraîner à la lutte armée, le film prend une tout autre profondeur. Car tout se joue dans ce huis clos dramatique. Empruntant à l’intensité du théâtre, le cinéaste reproduit avec précision le mécanisme qui conduit le groupuscule à la dérive sectaire. Poussés par des leaders charismatiques dans une surenchère de violence, les jeunes militants sombrent dans la terreur et s’éliminent les uns les autres, dans leur quête d’une inatteignable pureté révolutionnaire. On pense aux purges staliniennes, à la jeunesse fanatisée de la Révolution culturelle, aux dérives religieuses en tout genre : la démonstration est impressionnante. Clôturant le film, la longue prise d’otages aussi dérisoire que désespérée des derniers rescapés ne fera qu’entériner une coupure de la réalité définitive.
Marc Olano