Vérités en quête d'auteurs. Essai sur la critique des sources en anthropologie

Bernard Traimond, William Blake et al., 2000, 190 p., 138 F.

Connaissez-vous Psalmanaazaar ? Cet érudit pseudo-japonais produisit, au xviie siècle, une description de la culture et de la langue formosanes qui souleva l'enthousiasme des Londoniens cultivés. Or, comme il l'avoua dans ses mémoires, tout cela n'était qu'une invention de la plus haute fantaisie.

Cet exemple, qui n'est pas contesté, donne à Bernard Traimond l'occasion d'ouvrir un dossier très contemporain : celui de l'authenticité ethnographique, de sa difficile appréciation et de l'inévitable instabilité de toute vérité dans ces domaines. MacPherson (l'éditeur des Poèmes d'Ossian), Jean-François Bladé (éditeur de contes gascons) étaient probablement les auteurs inspirés de leurs recueils « traditionnels » : on en a douté, mais on le pense aujourd'hui. La Villemarqué, éditeur du Barzaz Breiz, a été accusé de faux. On ne le pense plus aujourd'hui. La différence entre les premiers et le second, c'est l'existence ou non de notes attestant les sources : dans les siècles passés, il n'était pas de mise de les rendre publiques. En anthropologie classique non plus d'ailleurs. Contrairement aux historiens, les folkloristes et les ethnographes ne disposent pas d'archive, et l'authentification de leurs écrits relève du vraisemblable : ordinairement, c'est le jugement de leurs pairs qui compte. En cas de litige, ce sont leurs notes de terrain, si elles existent.