Vers l'unité de la sociologie française ?

Au sein d'une discipline traditionnellement éclatée, le premier congrès de la récente Association française de sociologie a réussi à fédérer une bonne partie de la profession. Et offert un vaste panorama, plutôt encourageant, des recherches et débats en cours.

A-t-on assisté pour la première fois, à la fin de ce mois de février 2004, à un congrès unitaire de la sociologie française ? En tout cas, le succès du premier congrès de l'Association française de sociologie (AFS) a dépassé toutes les espérances de ses organisateurs. Avec 1 100 inscrits, un peu moins de participants et, il est vrai, de nombreux doctorants (on estime à 1 500 le nombre de sociologues enseignants du supérieur ou chercheurs du secteur public), c'est en effet une bonne partie de la communauté sociologique qui sera passée sur le campus de l'université de Paris-XIII-Villetaneuse, qui accueillait la manifestation.

Il faut dire que c'est cette volonté d'ouverture et de représentation de la profession de sociologue qui avait présidé à la création de l'AFS à la fin de l'année 2001, et qu'elle a voulu manifester à travers ce premier congrès appelé à se renouveler tous les deux ans. Claude Dubar avait donné l'impulsion majeure à ce mouvement, en lançant le processus de transformation de la chancelante Société française de sociologie (SFS). Cette dernière, fondée en 1962 autour de figures comme Raymond Aron, Henri Mendras ou Jean Cazeneuve, visait essentiellement la reconnaissance de la sociologie comme discipline. Son évolution s'imposait, d'une part parce que son importance déclinait (50 membres en 2001), d'autre part parce qu'après une longue période marquée par un affrontement entre les diverses chapelles théoriques, l'absence de véritable espace commun pour dialoguer était vivement ressentie au sein de la profession. Cette attente s'est exprimée avec une force particulière au moment de « l'affaire Teissier » 1, qui a montré qu'au-delà de ces divergences théoriques, les sociologues pouvaient s'entendre assez largement sur ce qui constitue le propre de leur métier. D'où la volonté, en transformant la SFS en AFS, de faire de cette dernière l'association représentative des sociologues français en tant que tels, tant en France qu'à l'étranger. Au-delà du changement de statut, la volonté d'ouverture se manifeste dans les conditions d'adhésion (désormais, il suffit d'avoir un diplôme bac + 5 en sociologie) et dans l'ouverture à toute personne ayant une activité de sociologue, en entreprise ou en indépendant par exemple, figures jusque-là relativement négligées.