La fine fleur de la psychiatrie française, des chercheurs en neurosciences et de l'industrie pharmaceutique avaient rendez-vous au Collège de France, le 16 septembre 2010, pour le colloque « Priorité cerveau, un enjeu national », organisé par la Société Française de Neurologie, la Société des Neurosciences et la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau. Tous avaient répondu présent pour honorer le cerveau... sauf la Ministre de la Santé et des Sports, Roselyne Bachelot, qui n'a pas délivré le message prévu pour ouvrir le colloque, alors que les retombées attendues pour les malades et la politique de santé publique constituaient l'un des enjeux fortement mis en avant pour cet événement. En revanche Valérie Pécresse, Ministre de l'Enseignement supérieur, est venue le conclure, comme convenu, et en a profité pour annoncer que 3,8 milliards d'euros, issus du Programme d'investissements d'avenir financé par le Grand emprunt, seraient alloués, dès 2011, aux recherches en neurosciences. Placer la recherche sur le cerveau « au coeur du système de recherche tout entier » constitue « un choix politique pour les malades et leurs familles », a-t-elle déclaré.
La France à l'heure du cerveau
Alors que George Bush père, en 1990, avait officiellement proclamé la décade à venir comme celle du cerveau, et que le Japon n'avait pas été long à s'engouffrer dans la brèche, la France a fait office de retardataire en la matière. Pour deux raisons, nous a confié le neurobiologiste Etienne Hirsch, un des organisateurs du colloque, directeur adjoint du centre de recherche de l'Institut du cerveau et de la Moelle épinière à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière : « D'abord, pour une question de financement. Les investissements pour la recherche en neurologie et en psychiatrie ont longtemps été insuffisants. Ensuite, à cause des lourdeurs administratives qui nous ont rendu trop peu réactifs et nous ont empêché d'attirer les meilleurs chercheurs. Un exemple : le coût moyen d'un projet financé par l'ANR (Agence nationale de la recherche) est de 400 000 euros. Aux Etats-Unis, le NIH (National Institute of Health), grand frère de l'Inserm, finance à hauteur de 2 millions de dollars. Et pendant que le chercheur français va taper à cinq portes différentes, il se fait passer devant par l'Américain, qui va obtenir son financement en 3 mois... » Le député Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a souligné que la science n'est plus une priorité politique française depuis longtemps. En conséquence le lobbying est une étape obligatoire pour aiguillonner la volonté politique, selon Didier Tabuteau, de la chaire santé de Sciences Po. Et pourtant, d'après une étude de l'European Brain Council (Conseil européen du cerveau) de 2004, 15 millions de personnes en France, et 127 millions en Europe au bas mot, seraient touchées par une maladie liée à un dysfonctionnement cérébral.