Viktor Jirsa : A la poursuite du cerveau virtuel

En mobilisant de gigantesques moyens informatiques, plusieurs projets à travers le monde, visent à simuler le fonctionnement du cerveau humain. Objectif : mieux le comprendre, mais aussi mieux le soigner. Nous avons interrogé Viktor Jirsa, responsable du projet international Virtual Brain Project, coordonné à Marseille. Il a organisé la Conférence internationale de neurosciences au Centre International de Rencontres Mathématiques (CIRM), à Marseille, en 2011. Il est par ailleurs directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint de l’Institut de Neurosciences des Systèmes de l’université Aix-Marseille. 
 

En quoi consiste le projet Virtual Brain ?

Nous avons à peu près une centaine d’aires cérébrales par hémisphère, connectées par des fibres blanches : le cerveau est un véritable réseau. Or, le Virtual Brain Project est un logiciel qui permettra de télécharger les données obtenues par imagerie cérébrale à propos d’un cerveau particulier, et de reconstruire ses connexions en trois dimensions. Dès lors, on pourra simuler la dynamique de ce cerveau, et même l’oxygénation du sang liée à l’activité cérébrale. Nous pourrons ainsi tester des hypothèses médicales, ou de recherche fondamentale. Par exemple, dans le cerveau virtuel, il sera possible d’augmenter l’excitabilité de quelques aires, d’accélérer la communication entre elles, ou encore d'effacer une aire pour simuler une lésion, puis d'observer ce que cela engendre. Imaginons un patient avec une lésion, justement : nous pourrons voir s’il est possible de réorganiser les connexions du cerveau pour compenser celle-ci, et de quelle manière. De nombreuses études mathématiques nous disent déjà que c’est possible. En vingt minutes, avec notre logiciel, vous pourrez simuler trente secondes de fonctionnement cérébral. Il sera même possible de tester simultanément plusieurs configurations de paramètres. Vous pourrez donc explorer l’espace de paramètres, et regarder quels changements confirment ou non votre hypothèse. Pour ce faire, il faut une puissance informatique que nous sommes les seuls à proposer, au campus médical de la Timone, à Marseille, avec nos 256 ordinateurs disposant chacun d’une mémoire de 40 gigabytes, ce qui est énorme. Ce simulateur devrait être lancé en septembre 2012. Nous en avons présenté le premier prototype aux 35 000 participants du congrès mondial de la Society for Neuroscience aux États-Unis. Il s’agira d’une plateforme ouverte aux chercheurs, mais aussi aux cliniciens, à la communauté scientifique : l’interface du logiciel sera directement accessible depuis un ordinateur classique. Chacun pourra y charger les données d’un patient pour tester ses hypothèses.