Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le débat français

Laurent Mucchielli, La Découverte, 2001, 142 p., 42 F.

Format poche pour ce livre percutant, riche, dense, et volontiers polémique, dans lequel Laurent Mucchielli, historien et sociologue au Cesdip, s'attaque aux discours politiques et aux paroles d'experts dans le champ de l'insécurité, de la violence et de la délinquance. Fort de ses propres recherches sur la délinquance des jeunes, l'auteur dénonce les modes langagières (violences urbaines, incivilités, violences irrationnelles...) et la stigmatisation d'une certaine jeunesse (celle issue de l'immigration) qui mènent au catastrophisme et à l'alarmisme (montée inexorable de la délinquance, vagues d'adolescents toujours plus jeunes et plus violents...).

Journalistes, hommes politiques, policiers, experts, magistrats, psychologues et enseignants : chacun participerait de cette dérive interprétative. Laurent Mucchielli invite à la relecture des intentions inavouées (idéologiques, corporatistes, ambition personnelle ou appétit économique face au marché de la sécurité...) qui motivent ces usages. L'étude détaillée des chiffres de la délinquance, de leurs sources et des diverses assertions qui en découlent lui suggèrent une analyse critique menée tambour battant. Les allégeances des acteurs sociaux sont passées au crible. Deux cas d'expertises sont étudiés et révèlent, selon Laurent Mucchielli, les dérives mercantiles, la caution de légitimité cherchée auprès des institutions universitaires, sans souci des moyens, ni des titres usurpés.

Poursuivant sa diatribe, il examine la délinquance imputée aux « jeunes », les liens qu'elle entretient avec les institutions et cherche à dépassionner le débat au profit d'une réflexion historique. « C'est dans l'analyse de la genèse historique des phénomènes que doivent s'évaluer les interprétations et, au bout du compte, les éventuels remèdes. » Anomie, frustration et destin de classe s'entremêlent dans un paysage économique en crise où chômage et immigration se conjuguent dans l'exclusion et la ghettoïsation.

Pour en sortir, plusieurs solutions sont proposées : réduire les inégalités sociales et économiques, développer les structures locales de régulation collective, lutter contre le racisme et les discriminations, revaloriser le travail manuel et « augmenter le salaire minimum pour que cela prenne une réelle portée symbolique auprès des jeunes ».

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