« Vous entendez des voix..." sur Radio-Citron

Une radio dont les animateurs sont atteints par des troubles psychiques 
et qui s’adresse à tous : Radio-Citron est à la fois un dispositif thérapeutique 
et une radio (presque) comme les autres.

L’exercice impressionnerait n’importe qui. Mais ici, malgré ces mains saisies par le trac et l’émotion parfois palpable, l’angoisse face au micro s’entend peu. Surtout chez ceux qui s’expriment sur les ondes de Radio-Citron depuis maintenant plusieurs années. Ici, tout est fait pour instaurer un climat de sérénité : les émissions sont toujours préparées en amont et les sujets des chroniques, choisis par les intervenants, qui rédigent leurs propres textes, retravaillés lors d’ateliers hebdomadaires. Ce qui n’empêche pas à l’occasion, lors de l’enregistrement de l’émission simultanément diffusée en direct, une intervention un peu brusque, ou un juron qui s’échappe… provoquant l’hilarité générale.

« Pour les psys, une respiration »

Sans les « jingles » de lancement de certaines chroniques qui donnent quelques indications (« Radio-Citron, pour les psys, une respiration », « Vous entendez des voix… »), il serait difficile de deviner que les participants ont été, ou sont encore, touchés par la schizophrénie, les troubles bipolaires, les « pathologies de l’enfance », ou encore l’autisme… Entre autres. Mais lorsque l’on tend vraiment l’oreille, la douleur psychique est souvent traitée en filigrane, dans telle chronique littéraire qui présente un roman mettant en scène un psychiatre, ou tel poème parlant de voyage, tel autre de son amour du soleil, ou encore, plus pragmatiquement, lors de reportages, comme celui portant sur la Mad pride. Le thème de la douleur psychique peut aussi, parfois, être purement et simplement écarté : on peut être un patient, ou l’avoir été, mais on n’est jamais que cela.

Radio-Citron est l’une des initiatives de l’Élan retrouvé, association fondée en 1948 par le professeur Paul Sivadon, médecin psychiatre. L’intention était alors de pallier l’absence d’institutions intermédiaires entre l’hôpital et la vie sociale. L’association regroupe aujourd’hui une vingtaine d’établissements, sanitaires et médico-sociaux, accueillant des personnes souffrant de troubles psychiques, à Paris et en région parisienne. Parmi ces structures, trois participent à Radio-Citron : deux hôpitaux de jour et un Service d’aide à la vie sociale (SAVS Cadet), son ancienne chef de service, la psychologue Colette Laury, se trouvant d’ailleurs à l’origine de ce projet en 2009. Si la préparation des émissions en amont est réalisée de manière indépendante dans chacun des établissements, l’intégralité des patients et usagers se retrouve durant un après-midi toutes les six semaines, pour enregistrer une émission ouverte au public.

Un dispositif thérapeutique…

« Il ne faut pas oublier de dire que si on vient ici, c’est pour être soignés », rappelle judicieusement le « Doc Psytron » de la radio, patient d’un des deux hôpitaux de jour, et animateur d’un quiz lors de chaque émission. « Mon psychanalyste ? C’est le micro », sourit-il. L’avantage de la radio, contrairement aux séances analytiques en huis clos, est aussi de pouvoir réécouter ses prestations… Ce qu’il a pris l’habitude de faire.