William Labov - Façons de parler, façons d'être

En se penchant sur l’anglais des ghettos de New York, William Labov montrait que la diversité des usages était organisée et structurée.

William Labov est né en 1927 dans le New Jersey. Après des études de chimie industrielle à Harvard, il commence sa carrière professionnelle par une succession de différents emplois, allant de la rédaction de résumés littéraires à la sérigraphie. Il reprend des études de linguistique au début des années 1960 à l’université Columbia. Il est aujourd’hui professeur à l’université de Pennsylvanie. Il a largement contribué à la réflexion sur la variation langagière et le changement linguistique. Ses recherches, engagées socialement, notamment en faveur de la communauté noire américaine, constituent indéniablement un repère incontournable de la sociolinguistique actuelle.

C’est en cherchant à décrire précisément, à grande échelle et pour la première fois, la diversité des usages linguistiques à New York, et spécifiquement les usages « non standard », que Labov s’est fait connaître. Ses recherches commencent dans les années 1960. À cette époque aux États-Unis, l’idée est très répandue qu’il existerait un lien direct entre manières de parler des classes populaires, notamment de la communauté noire, échec scolaire et exclusion sociale. Le parler des Noirs américains est parfois décrit comme une sorte de sous-langage, qui empêcherait de penser logiquement et de réussir économiquement. Ces idéologies reposent sur la conviction qu’il existerait un parler standard unique et, en périphérie, un ensemble chaotique et désorganisé de pratiques fautives et hétérogènes ne répondant à aucune règle logique. Comment vérifier ou invalider une telle représentation ? Labov choisit de se pencher sur des zones d’instabilité du système linguistique, d’aller observer sur le terrain leurs réalisations, et d’essayer de comprendre autour de quelles régularités s’organisent ces pratiques. Il mène plusieurs enquêtes sur les parlers à New York, dont une qui consiste à étudier la réalisation ou non du /r/, par exemple en finale du mot « floor ». Le /r/ peut en effet être prononcé ou non en finale de certains mots en anglais américain, au même titre par exemple qu’en français, on peut prononcer ou non le /r/ dans « parce que », et produire soit « parce que » soit « pa(r)c(e) que ». Son idée est de montrer que la présence ou l’absence de ce phonème n’est pas aléatoire, qu’elle ne relève pas d’une « déficience » du « African American vernacular english » et que cette variation répond à une logique qu’il s’agit de décrire. Pour ce faire, Labov enquête dans trois magasins new-yorkais, différents par leur localisation et leur clientèle. Sa méthode est ingénieuse : l’enquêteur se présente à l’employé comme un client demandant des renseignements afin de lui faire prononcer le mot floor (étage) :