Yémen, les mille et une fractures

D’apparence religieuse, la guerre civile qui déchire le Yémen depuis 2014 s’est muée en terrain de lutte régionale, où les puissances voisines s’affrontent. Au-delà de la géopolitique, ce conflit reflète avant tout les fractures d’une société profondément segmentée.

Voltaire le décrivait comme « le pays le plus agréable de la Terre ». Aujourd’hui, le Yémen est devenu « l’un des endroits les plus dangereux de la planète pour un enfant 1 » selon l’Unicef. Depuis septembre 2014, une minorité chiite – les rebelles Houthis – s’insurge contre le pouvoir central, en vue d’imposer sa lecture de l’islam : le zaydisme. Ils gouvernent actuellement la région de Sanaa, au Nord, avec l’appui de l’Iran. Le gouvernement officiel reste quant à lui prostré au Sud, autour de la ville d’Aden. Il est soutenu par une coalition de pays sunnites, Arabie saoudite en tête, avec le soutien de la France, des États-Unis et du Royaume-Uni.

Transition ratée

À première vue, la guerre au Yémen ressemble à un conflit religieux. Le tableau général oppose bien les deux écoles de l’islam, sunnisme et chiisme, à travers puissances interposées. Mais pour Laurent Bonnefoy, politologue spécialiste du Yémen, la guerre tient surtout à « des enjeux identitaires » hérités de l’histoire interne du Yémen 2. L’anthropologue Franck Mermier parle d’une « guerre de succession » doublée de « clivages régionaux 3 ». Selon ce schéma, le décalage entre le Nord et du Sud du Yémen, et les sévères inégalités entre élites et tribus sont à l’origine des tensions.