N'entendons-nous pas souvent dire, avec un certain ton d'admiration dans la voix, « ça, c'est un matheux ! » ? Depuis longtemps, les mathématiques, la capacité à manipuler les nombres, à en extraire le pouvoir d'abstraction, fascinent. Elles ont permis le développement technique et scientifique des civilisations et sont considérées comme la science la plus aboutie, la discipline qui domine toutes les autres. A l'école, l'intelligence d'un enfant est souvent déterminée par ses résultats en mathématiques, et les bons élèves orientés vers des filières dans lesquelles elles occupent une bonne part du programme.
Il est vrai que le pouvoir des nombres est grand ! Comme le rappelle Anne van Hout, derrière l'apparente simplicité des 10 chiffres se cachent de multiples notions 1. Tout d'abord, les chiffres peuvent s'écrire dans un code arabe (1, 2, 3, 4...), romain (I, II, III, IV...) ou verbal (un, deux, trois, quatre...). Simple différence de convention ? Non, puisque selon le code choisi, la structure d'organisation des chiffres entre eux pour composer des nombres varie. Par exemple, en code arabe, 10 éléments suffisent pour former tous les nombres possibles, en composant des suites (99, 100, 101) et en modifiant leur place (34, 43). En code romain, il n'y a que 6 éléments. Et en code verbal, bien plus (il y a déjà 16 termes différents en français pour compter jusqu'à 19, plus les différents termes pour désigner les dizaines, comme vingt, trente, etc.), et avec des variations selon les langues.
Mais au-delà de ces questions de code, les nombres permettent de désigner des notions très différentes. Ils sont dits « cardinaux » quand ils signifient une quantité (dix pommes, quatre gendarmes) et « ordinaux » quand ils désignent une place dans une suite (le septième jour). Ils peuvent aussi prendre des formes de « multiplificateurs » (double, triple) ou de « fracteurs » (demi, quart), indiquer des durées ou des dates, avec parfois une certaine ambiguïté (8 h 47 est-elle une heure ou une durée ?). Enfin, et on entre alors dans l'arithmétique, les nombres permettent de calculer : additionner, soustraire, multiplier, diviser, mettre au carré, extraire une racine, calculer un logarithme, etc. Rien d'étonnant alors, vu l'étendue d'application des nombres et la complexité de raisonnement qu'ils permettent d'atteindre, à l'importance que l'on accorde à leur apprentissage. Rien d'étonnant non plus sans doute au fait que nous ne parvenons pas à en maîtriser totalement les notions, ni au fait que la plupart d'entre nous en perdent vite les acquis. Combien d'adultes sont-ils encore capables de poser une division un peu complexe sans erreur, ou d'additionner des fractions aux dénominateurs différents ?