À l'école de la vie : les apprentissages dans le monde animal

L’apprentissage occupe une place tellement centrale dans la psychologie humaine que nous serions tentés d’en faire l’une de nos spécificités. Or, l’apprentissage est omniprésent dans le monde animal et il prend des formes aussi variées que chez les humains.

Possédons-nous un gène de l’apprentissage ? Sommes-nous le seul animal capable d’apprendre à apprendre ? Il est commun de présenter l’espèce humaine comme unique dans ses apprentissages. Les humains apprennent des langues et l’usage de nombreux outils, qui seuls leur permettraient d’accéder à la création artistique, et à la construction de villes ou de navettes spatiales. En ce sens, ce sont les résultats de nos apprentissages – et non le processus d’apprentissage lui-même – qui nous seraient propres. Selon un schéma volontairement exagéré, les compétences innées seraient inscrites dans nos gènes tandis que l’acquis relèverait du seul apprentissage de l’individu. Cette dichotomie est souvent illustrée de manière caricaturale par les capacités innées des animaux à s’orienter dans l’environnement, trouver leur nourriture ou un partenaire sexuel, tandis qu’à l’inverse, les humains seraient forcés de tout apprendre (voir encadré), ce qui serait facilité par une tendance générale à apprendre, elle-même considérée comme… innée ! Tentons d’y voir plus clair.

Commençons donc par désapprendre…

Des cas d’apprentissage sont observés chez tous les animaux étudiés possédant un cerveau, même très petit. L’apprentissage est tellement commun chez l’animal qu’il est le premier outil de l’éthologiste : une très grande majorité d’expériences en laboratoire reposent en effet sur des apprentissages simples, qui ne sont pas l’objet de l’étude mais permettent au chercheur d’étudier un autre phénomène en contrôlant mieux ses animaux. Par exemple, il est facile d’apprendre aux poissons d’un aquarium la zone et l’heure de distribution de nourriture. Une fois cet apprentissage réalisé, le chercheur peut ensuite s’en servir pour mélanger des poissons « informés » avec des « naïfs », et regarder ce qui se passe à l’échelle collective : à savoir que les poissons informés entraînent les naïfs vers la source de nourriture !

Des découvertes récentes sur le ver C. elegans ont permis de mettre en évidence que ce petit organisme d’un millimètre, qui vit dans le sol et possède 302 neurones, est capable d’apprendre à approcher ou à éviter des goûts, des odeurs et des températures indiquant la présence ou l’absence de nourriture. Ce résultat est d’autant plus étonnant que tous les représentants de l’espèce possèdent la même organisation neurale, ce que les scientifiques pensaient la preuve d’une forme d’inflexibilité cognitive. Or, même chez les organismes possédant des comportements innés ou réflexes qui s’expriment spontanément en réponse à une stimulation interne et/ou externe, l’apprentissage par l’expérience vient moduler les comportements observés. La blatte germanique cherche par exemple sa nourriture en se reposant sur un système de navigation qui lui permet à tout moment de se repérer dans l’environnement par rapport à son point de départ. À ce système inné s’ajoute l’apprentissage de repères visuels dans un environnement présentant des sources de nourriture abondantes et prévisibles, comme les restes alimentaires d’une cuisine. Ainsi, selon les caractéristiques de l’environnement, la blatte va adopter la stratégie innée ou celle apprise en situation. L’apprentissage est ainsi le processus par lequel un individu modifie ses comportements au travers de l’expérience.