A l’issue de la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis sont devenus la première puissance internationale. Entre 1989 et 1991, l’effondrement du monde soviétique et la fin de la guerre froide ont fait disparaître l’URSS, leur plus dangereuse rivale. Aujourd’hui, la croissance rapide des économies chinoise et indienne annonce de nouvelles concurrences mais ne menace pas encore leur suprématie.
Ce parcours est d’autant plus étonnant qu’au moment où Christophe Colomb a découvert l’Amérique, rien n’annonçait les Etats-Unis. Deux logiques ont présidé à leur formation. La première, commune à tous les grands Etats américains, s’est déployée des débuts de la colonisation au milieu du xxe siècle. La seconde, qui s’est esquissée très tôt dans la Megalopolis*, s’affirme avec la globalisation contemporaine, dont les Etats-Unis sont un des moteurs essentiels.
Un même modèle pour trois grands États
Le Nouveau Monde se caractérise par la présence d’Etats géants. A eux trois, les Etats-Unis, le Canada et le Brésil couvrent les deux tiers des deux Amériques et regroupent plus des cinq neuvièmes de leur population. Ces Etats sont nés de rien. La genèse de nouvelles cultures y a commencé dès l’arrivée des premiers colons. Les milieux qu’ils conquièrent ne sont pas les mêmes aux Etats-Unis, au Canada et au Brésil, mais les nouveaux venus doivent faire face à des défis similaires : s’imposer aux populations amérindiennes, affronter une nature qui ne leur est pas familière et inventer des techniques de mise en valeur en croisant pratiques indiennes, genres de vie amenés d’Europe et savoir-faire africains (dans le cas des Etats-Unis et du Brésil). Ainsi se forgent, dès le xvie ou le xviie siècle, des sociétés originales. Les composantes populaires de leurs cultures se différencient très vite de leurs homologues européennes. La diffusion progressive vers l’Ouest des modèles précocement mis au point là où les colons ont pris pied explique qu’une dominante culturelle (ou deux, dans le cas du Canada, la française et l’anglaise) se soit imposée et donne une homogénéité réelle à l’ensemble du territoire.
La construction des espaces nationaux commence, elle, avec l’Indépendance. A partir de là, la logique de l’Etat permet de construire des systèmes politiques cohérents, de forger des consciences nationales et de créer des économies intégrées. Ainsi se sont formés des Etats-nations à une échelle inconnue ailleurs : leur dimension ne les empêche pas de posséder une cohésion culturelle remarquable. Le système politique y est efficace sans être trop lourd.
Au milieu du xxe siècle, Etats-Unis, Canada et Brésil apparaissent comme des modèles d’Etats-nations : un pouvoir central fort – mais qui n’interdit pas la pratique du fédéralisme ; une identité nationale solide, même si elle n’a pas les mêmes bases et ne revêt pas les mêmes formes dans les trois Etats ; une économie construite autour d’un noyau central complexe et diversifié (l’Industrial Belt aux Etats-Unis ; le corridor Windsor-Québec au Canada ; le Sud-Est au Brésil).
Aux Etats-Unis, la nation naît de l’Insurrection et du pacte politique auquel elle donne lieu. Le nouveau pays est, pour tous, appelé à une grande destinée. Il doit s’ouvrir sur le Pacifique comme sur l’Atlantique. Pas question de laisser l’Europe se tailler de nouveaux empires coloniaux sur le Nouveau Continent : la déclaration de James Monroe en exclut la possibilité dès 1823. Sur la scène internationale, les Américains affirment leur droit à pratiquer librement le commerce avec qui leur plaît. Dès le milieu du xixe siècle, les Etats-Unis tiennent une place importante sur la scène politique mondiale.