Pour des philosophes des sciences comme Carl Hempel, l’explication scientifique consiste à déduire des faits à partir de lois de la nature connues 1 : nous pouvons par exemple expliquer la position du Soleil, de la Lune et de la Terre en connaissant la loi de la gravitation universelle. Cette conception de l’explication encourt cependant une objection majeure : la déduction est symétrique, tandis qu’une explication devrait être asymétrique. Si je connais la taille d’un drapeau planté au soleil, je peux calculer la longueur de son ombre. Mais je peux aussi, inversement, déduire la taille du mât de celle de l’ombre, en m’appuyant sur les mêmes raisonnements mathématiques. Or personne ne dirait que la longueur de l’ombre explique la taille du mât, seul l’inverse est correct… Le philosophe Wesley Salmon a ainsi soutenu que la déduction ne suffisait pas à constituer une explication : seule la causalité le peut. Pour expliquer quelque chose, les scientifiques recherchent le plus souvent ses causes : la longueur du mât cause celle de son ombre ; la gravitation, le mouvement des planètes et la chute des corps… Pas l’inverse.
Comment donc trouver les véritables causes d’un phénomène ? De manière générale, les sciences commencent par établir des corrélations : on observe que davantage de fumeurs subissent un cancer du poumon par exemple. Ces constats, mis en forme par les statistiques, restent cependant insuffisants et parfois même trompeurs. L’aiguille d’un baromètre varie exactement comme la probabilité qu’il se mette à pleuvoir, mais cette aiguille ne cause pas la pluie pour autant. Toutes deux ont une cause commune, la pression de l’air. Pour passer de la corrélation à la causalité, on doit donc faire des analyses plus fines, et expliciter en particulier les interactions locales qui font qu’un des termes peut dériver de l’autre. La preuve que le tabac cause le cancer exige ainsi des analyses biochimiques de l’effet du goudron dans les poumons.