Au vu du titre, on s’attend à une réflexion sur le bien-fondé des voyages et leur fin annoncée en raison de la menace climatique qui pèse aujourd’hui sur la planète. Mais Juliette Morice nous apprend que la discussion sur l’utilité du voyage n’a cessé d’être alimentée de manière récurrente de l’Antiquité à nos jours, tant par des philosophes et que par d’autres penseurs.
« Que fuyez-vous, bande d’imbéciles ? », demandait Socrate. Du côté des critiques, les stoïciens considéraient le désir de bouger comme une illusion et une fuite de la part de celui qui n’a pas atteint la sagesse. Durant la Renaissance et sous l’Ancien Régime, on souligne volontiers les dangers (certes réels) et la vanité des voyages : Érasme voit dans le pèlerinage « témérité et fanfaronnade », Pétrarque, voyageur immobile comme bien d’autres après lui, conseille de voyager « par les récits et l’imagination ». Montaigne, lui, se fait ardent laudateur de « ce qui remue, encrasse et contrarie », tout en soulignant la « quiétude paradoxale du voyageur ». Le camp des défenseurs se fait entendre aussi, avec la voix de Jean-Jacques Rousseau, promeneur invétéré, ou celle d’Emmanuel Kant, grand penseur du cosmopolitisme, qui n’a pourtant jamais quitté sa ville natale de Königsberg considérant alors (par une adroite pirouette) le voyage comme « nécessaire et dispensable » !