Aimez-vous les insectes ? Entretien avec Jean-Marc Drouin

Jean-Marc Drouin

Historien et philosophe des sciences, il est notamment l’auteur de Philosophie de l’insecte (Seuil, 2014).

Dans un essai très solidement documenté (30 pages de bibliographie !), le philosophe et historien Jean-Marc Drouin nous raconte la vie des petites bêtes en s’appuyant sur des écrits de philosophes, d’éthologues, d’historiens et d’autres scientifiques. La rencontre de l’infiniment petit a, en effet, suscité des réflexions aussi bien métaphysiques que scientifiques, politiques ou encore théologiques. Le sens de l’orientation particulièrement développé des insectes, leurs constructions d’une finesse extraordinaire, leurs systèmes d’organisation sociale proches des nôtres en ont surpris plus d’un. Souvent à l’origine d’œuvres de fictions (Les Fourmis de Bernard Werber, Maya l’abeille, Jiminy Cricket…), les insectes ont aussi inspiré les écrivains et scénaristes et même les poètes. Entre phobie et fascination, attirance et répulsion, nos rapports avec eux sont souvent très contrastés. Mais aujourd’hui, nous nous trouvons peut-être face à un tournant. La peur devant leur étrangeté a laissé place à une crainte d’une tout autre nature : celle de leur extinction !

Qu’est-ce qui vous a orienté vers les insectes ?

J’ai commencé à m’intéresser à eux à l’occasion du bicentenaire de la Révolution, en 1989. À l’époque, j’étudiais les enseignements de l’École normale de l’an III, un institut de formation des professeurs pendant la Révolution. J’ai trouvé fascinant de voir qu’à une époque de profonds bouleversements politiques et sociaux, certaines personnes continuaient à se passionner pour les lois de la nature. J’ai alors été frappé par la remarque d’un étudiant lors d’un cours dispensé à l’époque et qui traitait de la question « y a-t-il des rois dans la nature ? » Il avait rétorqué à son professeur : « Il y a encore pire que des rois, il y a des reines ! », en parlant des abeilles. À travers cette remarque qui fait référence à la question de l’égalité des sexes, on voit bien qu’on retrouve dans le monde des insectes les mêmes questionnements qui animent notre monde humain.