C’est, assez précisément, aux alentours du mois de novembre 1343 av. J.C., que l’on peut faire remonter la première « expérience monothéiste » de l’histoire de l’humanité. Il y a donc près de 3 360 ans, le jeune roi Amenhotep IV, âgé de moins de 15 ans et résidant alors à Thèbes, entreprit au passage de l’an III à l’an IV de son règne une réforme cultuelle sans précédent.
Aton, dieu tangible
Privilégiant désormais le culte exclusif de la lumière solaire personnifiée dans le disque solaire (Aton, en égyptien), Amenhotep IV – qui deviendra deux ans plus tard Akhenaton – instaura ce que l’on peut appeler un « monothéisme personnel ». Celui-ci n’était, en fait, que la forme radicale d’une « phénoménologie solaire » alors en vogue depuis un demi-siècle : une attitude philosophique où tous les phénomènes inaccessibles aux sens étaient marginalisés, et qui excluait de fait les riches constructions théologiques intellectuelles comme les approches spirituelles.
La confiance des Égyptiens dans les représentations traditionnelles du monde divin avait été ébranlée et le polythéisme était en crise. Tout l’imaginaire de jadis, invérifiable et imperceptible, fut écarté au profit d’actions rituelles pratiquées au bénéfice de la seule force tangible, concrète et dont la perception était assurée et universellement reconnaissable : le Soleil irradiant. L’Égypte et les cycles qui la traversaient – cycle journalier du Soleil, mensuel de la Lune et annuel de la crue – furent désormais limités à une création permanente et quotidienne du disque solaire qui devint « roi » dans le ciel alors qu’Amenhotep IV, en retour, se divinisait sur Terre. Point de combat nocturne du Soleil, point d’explication à la création du monde ni de spéculations sur son avenir. L’espace et le temps se rétrécirent de manière drastique : l’existence se résumait à une sorte d’« ici et maintenant ».