Initialement destiné aux lycéens des terminales technologiques, cet Antimanuel surprend par sa finesse pédagogique et le choix de ses textes et illustrations. Autour des notions du programme officiel - la raison, la conscience, l'histoire, le droit, la liberté, la nature, la technique, l'art et la vérité -, Michel Onfray nous invite à une promenade loin des penseurs officiels et des discours habituels d'historiens de la philosophie. Son premier souci est de montrer à des individus de 18 ans que la philosophie les concerne dans leur existence quotidienne : ici et maintenant, entre les murs de ce lycée qui ressemble à une prison, au coeur même de ce corps où s'affrontent des pulsions contradictoires. Onfray a le courage de partir de ses élèves pour philosopher : il s'appuie sur leurs centres d'intérêt, leurs lieux d'existence pour les convier à un changement de regard sur leur propre quotidienneté, et touche par là même des lecteurs de tous âges. Ce qui pourrait ressembler à de la démagogie témoigne du caractère vital de la philosophie quand elle se refuse à n'être qu'un exposé doctrinal réservé à une élite.
Au travers de questions souvent drôles - « que reste-t-il de votre conscience quand vous avez trop bu ? », « qu'est-ce qui distingue votre professeur de philosophie d'un babouin ? » -, Onfray parvient à faire naître une réflexion sans trop sacrifier rigueur et précision. Jolie leçon de philosophie pratique : s'il parvient à faire réfléchir un peu une jeunesse matraquée par « Le loft », c'est parce qu'il essaie d'abord de l'aider à mieux vivre. Et parce qu'il lui propose, loin des exposés kantiens de ses collègues, un nietzschéisme vivifiant, une invitation à intensifier son existence et à se méfier du troupeau. Essentiel à 18 ans, pas inutile non plus après...