Sciences Humaines : Dans vos recherches sur les jeunes de lycées professionnels, vous montrez que ces jeunes, de milieu populaire, dissocient très clairement les apprentissages scolaires et l'apprentissage de la vie. Comment conçoivent-ils l'apprentissage scolaire ?
Bernard Charlot : Apprendre à l'école, c'est pour ces jeunes « écouter un professeur qui explique bien ». Ce qui relève de leur responsabilité, c'est d'être présent en classe, de respecter plus ou moins les règles de discipline et d'écouter. Ensuite, tout dépend du professeur : si celui-ci explique bien, l'élève saura. Certains élèves affirment même que la note évalue l'enseignant : s'il a bien expliqué, l'élève aura une bonne note, une mauvaise s'il a mal expliqué. Dans cette optique, ce n'est pas l'élève qui apprend par son activité intellectuelle. Ces jeunes disent « l'école m'a appris » ou le plus souvent « l'école ne m'a pas appris »... Cette question a des conséquences très importantes et produit des tensions pouvant aller jusqu'à la violence : ces élèves estiment que s'ils n'ont pas obtenu leur diplôme, c'est l'école qui est responsable.