Sans que, pour autant, les propos sortent du cadre de la discussion polie, personne ne semble s’accorder sur la définition de l’« autofiction », hormis son inventeur, Serge Doubrovsky. Ce dernier écrivait, en 1977, que son « roman » intitulé Fils n’était pas une autobiographie (« privilège réservé aux importants de ce monde, au soir de leur vie, et dans un beau style »), mais une « fiction d’évènements et de faits strictement réels, si l’on veut autofiction », le tout rédigé « hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau ». Ni mémoires, ni roman, ni historique, ni inventé : un ovni littéraire en somme, prototype d’un genre nouveau, dont la critique s’empara pour tenter de le disséquer. Or l’objet était coriace, car il y avait beaucoup de choses dans les déclarations de Serge Doubrovsky : une source d’inspiration à la portée de tous, une vie transfigurée par l’écriture, l’omniprésence de l’auteur en tant que héros, le style libéré de toute contrainte romanesque. Très vite, l’opinion se divisa entre ceux qui doutaient de la nouveauté du genre, faisant valoir que bien des auteurs, de Jean-Jacques Rousseau à Marcel Proust et Marguerite Duras, avaient déjà joué à ce jeu de cache-cache, ceux qui rappelaient que l’autobiographie avait toujours été un peu une fiction, et ceux qui y voyaient un nouveau territoire ouvert pour la littérature. Le célèbre critique Gérard Genette, lui, freina des quatre fers, suggérant que, pour un auteur, dire à la fois « c’est moi » et « ce n’est pas moi » était absurde.