C'est à partir des années 60, avec la parution en 1963 d' Outsiders (traduit en français chez Anne-Marie Métailié en 1985), que la notoriété de Howard Becker (né en 1928), « étiqueté » école de Chicago (il étudia la sociologie à l'université de cette métropole, en suivant les cours d'Ernest Burgess, Louis Wirth, Everett Hughes, etc.), franchit les frontières des Etats-Unis.
A travers notamment l'exemple des fumeurs de marijuana, il décrit les différentes conditions qui installent progressivement une personne dans une déviance durable :
- le passage à l'acte (la première cigarette fumée au cours d'une soirée) qui peut cependant rester sans suite ;
- la désignation publique (le toxicomane est désigné comme tel, éventuellement arrêté et jugé) ;
- l'apprentissage social (au contact d'autres consommateurs, le fumeur apprend à distinguer les sensations que l'usage du produit peut procurer) ;
- enfin, l'adhésion à un groupe déviant qui renforce l'identification au « rôle » de toxicomane.
Davantage qu'une pathologie, la déviance s'apparente ainsi à une « carrière » dont le déroulement dépend autant du « déviant » et de ses pairs que des personnes ou institutions qui érigent à un moment donné son comportement en acte déviant (théorie de l'étiquetage).
Pianiste et photographe
Pianiste de jazz (il manqua de peu d'embrasser une carrière de jazzman) et amateur de photographie (il a exposé plusieurs fois), H. Becker est l'auteur d'un autre ouvrage remarqué sur Les Mondes de l'art (1982, traduit chez Flammarion en 1988) dans lequel il décrit les métiers qui président à la production d'une oeuvre artistique. Sous l'apparent éclectisme qu'ils manifestent, les deux livres s'inscrivent dans la même démarche, l'interactionnisme symbolique : ils envisagent des phénomènes sociaux sous l'angle des interactions individuelles et des représentations mises en jeu.
Comment réussir sa thèse ?
Egalement traduit en français, sous le titre Les Ficelles du métier (La Découverte, 2002), le dernier ouvrage de H. Becker s'adresse aux étudiants : il y consigne des recettes pour mener à bien son travail de thèse. Une manière aussi de renouer avec ses premiers travaux menés dans les années 50 sur des institutrices de Chicago et les étudiants de médecine de l'université du Kansas.