Bioéconomie, les nouveaux horizons du bien-être

Replacer l’homme et la nature au centre des préoccupations économiques : voila le projet des partisans de la bioéconomie et de la soutenabilité. Utopique pour certains, il mobilise pourtant de plus en plus d’économistes.

Souvenez-vous des années 1990 et de la levée de boucliers de la majorité des économistes lorsque l’on évoquait la taxe Tobin sur les transactions financières. Les noms d’oiseaux fusaient, et le projet était considéré irréaliste, utopique, inapplicable. James Tobin lui-même s’en détournait au tournant des années 2000.

Aujourd’hui, alors que le président de la Commission européenne Manuel Barroso, en accord avec de nombreux chefs d’État, propose au Conseil européen un projet de directive sur la taxation des transactions financières de 0,1 %, ceux qui en étaient les principaux promoteurs critiquent maintenant ce choix, cette taxe arrivant selon eux trop tard (1). La science économique serait-elle mouvante, changeante, vivante ? Indéniablement oui, particulièrement aujourd’hui où l’économie a dépassé les bornes des possibilités de reproduction naturelle et se heurte violemment « aux lois qui régissent l’évolution du vivant et des milieux physiques ainsi qu’aux interrogations fondamentales concernant les finalités des activités humaines (2) ». La surexploitation de la biosphère a débouché sur les problèmes d’épuisement des ressources, d’accumulation des déchets et de réchauffement climatique. De plus, nous assisterions à la « dilution des valeurs sociales et à la déliquescence des sociétés humaines. En plaçant la réussite financière et le profit au-dessus de tout, l’ordre néolibéral a fortement contribué à cette décomposition ». Bref, pendant la crise (financière), la crise environnementale et sociale continue.

Le constat est connu : un monde dominé par la logique de ses moyens est un monde fou. La science économique est condamnée à effectuer des révisions déchirantes. Il n’est d’autre paradigme viable que celui de la bioéconomie, affirme l’économiste René Passet. Le principe en est simple : il s’agit d’insérer les activités économiques dans les écosystèmes naturels et humains sans altérer les fonctions qui permettent leur reproduction dans le temps. Pour autant, « il ne s’agit pas de projeter le vivant comme modèle de l’organisation sociale, mais de rechercher les principes d’organisation permettant à un système de se reproduire et d’évoluer en maintenant sa cohérence dans un environnement mouvant ».