Quelle nécessité y avait-il à réformer ?
À mes yeux, ce n’est pas la qualité de la recherche qui est en cause. Le problème principal est la fragmentation terrifiante du système actuel. Un étranger n’y comprend rien. À cause de nombreuses couches superposées destinées à corriger les défauts des précédentes, il existe une jungle d’institutions publiques qui font de la recherche, et qui se retrouvent à se disputer les crédits et les postes. Cela produit un certain gaspillage de moyens. J’ai l’expérience de la gestion de la recherche, à l’université et au CNRS, et je pense que ni l’une ni l’autre ne fonctionnent bien. Il y a des disciplines où ça ne fonctionne pas bien, notamment pour les jeunes. Ça marche bien dans les grandes structures, où il y a un travail d’équipe. Dans certaines disciplines, au contraire, il y a beaucoup de division. Ce qui conduit aux recrutements locaux.
Pourquoi les chercheurs sont-ils aussi nombreux à refuser les réformes actuelles ?
Parce qu’elles s’accompagnent d’effets négatifs. À l’université, cela se traduit par une diminution du nombre de postes fixes. Elle devrait être compensée par des contrats s’adressant à de jeunes chercheurs. Ce qui veut dire concrètement que les chercheurs n’accéderont à une situation stable qu’après des années d’emplois temporaires, vers trente-cinq ans ou plus. C’est un peu le système américain. Mais là-bas, il y a pléthore d’universités et les gens bougent beaucoup et facilement. Bouger n’est pas une mauvaise chose, au contraire, mais cela ne doit pas être aux dépens de la stabilité de l’emploi. Cela dit en France, dans certaines disciplines, le favoritisme local sévit encore fréquemment et c’est un grave défaut.