Quitter Paris est pour de plus en plus d’individus de classe moyenne une contrainte d’ordre financier, souvent liée à l’élargissement du cercle familial. Est-ce pour autant signe de déclassement ? C’est une des questions qu’aborde Stéphanie Vermeersch, chargée de recherche au CNRS, dans une monographie consacrée à la résidence du Terroir (2 000 logements, 7 000 personnes), située dans la zup de Fontenay-sous-Bois. Ce territoire correspond à un « espace moyen mélangé », dans lequel les classes moyennes sont majoritaires sans que l’on puisse parler de « gentrification ». S’appliquant à montrer que « les étiquettes sociales de “classes moyennes” et urbaines “banlieues” recouvrent des parcours et des quartiers en constante évolution et aux multiples facettes », l’auteure multiplie les exemples. Dans la résidence, il y a les Groudon, pour qui l’arrivée au Terroir correspond à un « mieux » par rapport à ce qu’ils projetaient, visant des communes plus « bas de gamme », les Bachelard dont la principale perspective est d’organiser une stratégie professionnelle qui leur permette de gagner plus pour revivre à Paris d’ici dix ans. Les Goya, eux, choisissent ce lieu de résidence tout en décidant de scolariser leurs enfants dans le privé. Ces parcours révèlent d’une part qu’une fraction de la classe moyenne – qui n’avait pas organisé son existence autour de la centralité parisienne – ne vit pas l’arrivée dans ce quartier comme un déclassement. D’autre part, l’auteure montre comment ceux qui arrivent par contrainte s’arrangent avec ce contexte socio-urbain qui ne correspond pas à leurs critères en rêvant de retour à Paris, de départ en pavillon, en province, etc. « Les individus se construisent des compromis, investissent des sociabilités de proximité, parcourent au quotidien le Grand Paris selon leurs besoins et leurs habitudes, conclut S. Vermeersch, ils se façonnent un mode de vie qui les satisfait, bien loin des frustrations et du ressentiment inhérent au déclassement. ».