La sexualité doit-elle être « éduquée » ? Pour le pédopsychiatre Jean-Yves Hayez, la réponse ne fait aucun doute : « Dans le psychisme, il y a toutes sortes de composantes comme l’agressivité, la sexualité, les sentiments, la pensée, le projet de vie qui se mettent progressivement en place. Notre mission d’éducateur porte sur tous ces éléments 1. » Néanmoins, cette approche suscite encore résistances et malentendus. De la répression des pulsions à l’absence de discours sur la sexualité, l’éducation sexuelle n’est jamais apparue comme une évidence.
Durant la première moitié du 20e siècle, elle consiste essentiellement à retarder l’activité sexuelle des adolescents. L’abstinence est préconisée quasiment jusqu’au mariage et la pratique de la masturbation est proscrite. « Les médecins, les pédagogues et les psychologues sont unis pour condamner les manifestations sexuelles des adolescents sur la base d’une argumentation inspirée de la morale chrétienne et de la prévention des maladies vénériennes », résume Alain Giami, directeur de recherche à l’Inserm 2.
Après mai 1968, avec la libération des mœurs et l’émergence des sexologues, l’importance du développement psycho-sexuel est reconnu. Les années 1970 sont aussi marquées par la diffusion de la contraception orale et la dépénalisation de l’avortement. Les féministes abordent l’éducation sexuelle comme un socle de la libération des femmes. « La poupée des années 1970 était souvent sexuée ; mais qu’elle le soit ou non, la mère attirait l’attention de l’enfant sur cette partie du corps et détaillait les différences entre les sexes. Certaines disent avoir mis la poupée entre leurs jambes et mimé l’accouchement », relate Yvonne Knibiehler, historienne et spécialiste de l’histoire des femmes 3. La volonté est alors de favoriser l’accomplissement d’une sexualité harmonieuse par les futurs adultes.