Comment se développe la théorie de l'esprit

À quel âge l’enfant comprend-il que les autres ont leur propre point de vue ? À 7 ans ? 4 ans ? À 15 mois ? Et comment étudie-t-on une question aussi complexe ?

À partir de quand et comment les enfants se représentent-ils les intentions d’autrui, ce qu’il désire, connaît, croit ? Bref, com ment un enfant apprend-il que le point de vue d’autrui peut être différent du sien et même différent de la réalité ?

À la suite des travaux de Piaget, on a longtemps considéré que la pensée du jeune enfant était égocentrique et qu’avant 7 ans environ, il voyait le monde d’un point de vue unique, le sien, sans avoir conscience qu’il en existe d’autres. Or, les années 1970 et 1980 ont vu se développer différents courants de recherche qui ont permis de mieux analyser le développement de la cognition sociale chez l’enfant : analyse philosophique de l’intentionnalité, acquisition du langage et des termes relatifs aux états mentaux, éthologie cognitive avec l’étude de la communication des primates. À Cambridge, David Premack et Guy Woodruft publient en 1978 un article intitulé « Does the chimpanzee have a theory of mind ? », considéré comme l’un des articles fondateurs des recherches sur « la théorie de l’esprit ». Les auteurs répondent positivement à cette question à partir de leurs expériences : oui, le chimpanzé est capable de prédire et d’interpréter une action humaine en termes d’états mentaux.

Les premières expériences sur les fausses croyances

Alors qu’en est-il des jeunes enfants ? On doit en 1983 à Heinz Wimmer et Joseph Perner, de l’Université de Salzbourg, la première mise en évidence d’une théorie de l’esprit avec des enfants de 4 à 9 ans, grâce à un paradigme dit de « fausse croyance ». Ils présentent à chaque enfant une petite histoire :

1) La maman de Maxi revient des courses. Maxi aide sa maman à ranger les achats dans la cuisine. Il range le chocolat dans la boîte bleue.

publicité

2) Maxi part jouer avec ses amis.

3) Pendant son absence, sa maman prépare un gâteau. Elle prend le chocolat dans la boîte bleue, en utilise une partie et range le reste non pas dans la boîte bleue, mais dans la boîte verte. Et elle part chez la voisine.

4) Maxi revient. Il veut manger du chocolat. Il se souvient où il l’a rangé. Où va-t-il le chercher ?

L’enfant doit indiquer une boîte parmi trois possibles. Et on lui pose deux questions de contrôle : où est réellement le chocolat ? Te rappelles-tu où Maxi avait rangé le chocolat au début ?

Pour répondre correctement, l’enfant, qui sait que le chocolat est dans la boîte verte, doit faire abstraction de la réalité et attribuer à Maxi la fausse croyance que le chocolat est dans la boîte bleue. La plupart des enfants de moins de 4 ans échouent, en affirmant que Maxi va chercher le chocolat dans la boîte où il est réellement. En revanche, 57 % des 4-6 ans et 86 % des 6-9 ans réussissent à attribuer une fausse croyance à Maxi : ils sont capables de se représenter ce que pense le personnage et de prédire son comportement correctement.

- Baron-Cohen, S., Leslie, AM. & Frith, U. (1985). “Does the autistic child have a “theory of mind” ?”, vol. 21 (1), 37–46. - Onishi, K.H. & Baillargeon, R. (2005). “Do 15-month-old infants understand false beliefs ?”, , 308 (5719), 255-258. - Premack, D.G. & Woodruff, G. (1978). “Does the chimpanzee have a theory of mind ? Behavioral and Brain” , vol. 1 (4), 515–526.