D'où vient l'autisme ?

Les trois signes caractéristiques de l’autisme - la « triade autistique » - sont : les retards dans l’acquisition du langage, l’isolement et l’absence de contacts sociaux, et enfin les « stéréotypies ».

Reprenons plus en détails.

Les troubles du langage. L’enfant autiste apprend à parler tardivement… lorsqu’il apprend. Et sa maîtrise du langage est partielle, très mécanique et purement fonctionnelle. Il utilise mal le " je " et le " tu ", ignore les jeux de langage... D’où ce sentiment étrange de parler à un être qui vient d’ailleurs, car il n’entre pas vraiment dans la conversation, mais reste dans son monde intérieur.
Les troubles de la communication. L’autiste paraît souvent indifférent aux personnes de son entourage, et communique peu avec elles. L’enfant ne cherche pas le contact, ni les caresses de sa mère. Il ne fixe pas les yeux de ses interlocuteurs, n’apparaît pas vraiment ému par la détresse d’autrui. Il paraît manquer d’empathie, et se comporter à l’égard des autres comme si c’étaient des objets.
Les « stéréotypies ». Ce sont des gestes répétitifs, exécutés pendant de longues périodes : l’enfant demeure assis, les yeux dans le vide, se balançant d’avant en arrière ; il peut rester longtemps absorbé par un détail : le mouvement de ses doigts, un tic tac de réveil… Il va faire tourner indéfiniment la roue d’une petite voiture sans jamais utiliser ses jouets comme un support pour son imagination.

L’autisme infantile a été décrit pour la première fois par le psychiatre Léo Kanner (1894-1981), un Autrichien immigré aux Etats-Unis dans les années 1920. Dans sa première description qui date de 1943, il ne se contente pas de souligner les trois piliers de l’autisme. D’autres symptômes lui sont associés (1). Pour L. Kanner, l’angoisse est un phénomène central. Et d’abord l’angoisse du changement. L’autiste est très perturbé lorsque l’on change ses habitudes : les routines alimentaires, le rangement des objets autour de lui, les horaires. Ses brusques et violentes colères ne seraient qu’une réaction de panique aux perturbations de son environnement. Au cours de ses crises, l’autiste va crier, mais aussi chercher à mordre, se mordre lui-même ou se cogner violemment la tête. Ses gestes stéréotypés et ses centres d’intérêt très limités pourraient être une façon de lutter contre cette angoisse. D’où son goût pour les rituels très encadrés, les activités répétitives et les jeux intellectuels comprenant des listes de noms, les dates, les calendriers, les chiffres ou les horaires de chemin de fer qu’il tente d’apprivoiser méthodiquement en apprenant de longues listes par cœur.

L’autisme est souvent accompagné d’un retard mental, plus ou moins important. Certains autistes ont un QI très bas et ne parviennent jamais à parler. D’autres ont une intelligence normale et peuvent suivre un cursus scolaire, voire des études supérieures. Mais ce qui étonne le plus est le talent extraordinaire que certains parviennent à développer dans un domaine limité : le calcul mental, la musique, ou le dessin au trait. Les Britanniques désignent comme « autistes de haut niveau » ceux qu’on regroupe plutôt sous le label du « syndrome d’Asperger » (2). Les autistes « Asperger » suscitent particulièrement l’attention du fait de leurs talents extraordinaires dans des « îlots d’aptitude ». Certains Asperger sont devenus de véritables phénomènes de foire, suscitant une admiration mêlée de compassion pour des sortes de pierrots lunaires. L’anglais Daniel Tammet, calculateur prodige atteint d’un syndrome d’Asperger, a appris par cœur 22 500 décimales du nombre pi ; il extrait à la demande des racines cubiques de nombres, a appris seul plus de dix langues et possède une mémoire synesthésique (qui lui fait assimiler à chaque chiffre une couleur). Son histoire personnelle, très touchante, écrite à la première personne, a été un grand succès de librairie ( Je suis né un jour bleu) (3). Tout se passe comme si le cerveau de l’autiste avait sur-développé certaines capacités au détriment d’autres (4).

Compte tenu de l’étendue et la variété des troubles autistiques, la tendance est aujourd’hui de parler de « spectre autistique ». Certains spécialistes préfèrent même parler « des autismes » pour insister sur la variabilité des troubles, leur degré de gravité, même s’il existe un noyau dur commun.

Cette approche élargie a le mérite de ne pas enfermer l’autisme dans un cadre trop rigide. Mais, du coup, le repérage devient plus incertain et la prévalence de l’autisme a beaucoup augmenté. Dans les années 1970, on considérait que l’autisme touchait une naissance sur 1 000. Trente ans plus tard certaines estimations portent à une naissance sur 150 ! (5) Cette « épidémie d’autisme » est-elle le fait d’un élargissement de la catégorie psychiatrique, de l’effet d’un meilleur dépistage ou d’une augmentation du trouble lui-même ? La question n’est pas vraiment tranchée.(1) « Autistic disturbances of Affective contact », , II, n° 3 ; 1943 (2) Du nom du pédiatre autrichien Hans Asperger (1906-1980) qui, au même moment que L. Kanner, en fit la première description. (3) D. Tammet, , J’ai lu, 2009; voir aussi un autre témoignage « d’autiste de haut niveau » Temple Grandin, (4) Voir « Des cerveaux prodigieux », Laurent Mottron, , n° 432, juillet-aout 2009(5) Rapport du CDC, (Center for Desease Control and Prevention)(6) Patricia Roder, « The early orignes of autisme », , 282, (2000)(7) Monica Zilbiovicus, « imagerie cérébrale et autisme infantile », in A. Berthoz (dir) , Odile, Jacob, 2005.(8) H. Gervais, « Abnormal cortical voice processing in autisme », , 7 ( 8), 2004.(9) « Hidden records show MMR truth » (sur timeonline.co.uk)(10) (12) , S. Hrdy, (13) Mizès, Roubertoux. + Voir le livre de Jacqueline Berger, mère de deux jumelles autistes, , Buchet Castel, 2007.