D'où vient la domination masculine ?

Selon Bourdieu, les femmes œuvrent inconsciemment à leur domination. Une analyse qui est loin de faire l’unanimité…

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Tout au long de son œuvre, Pierre Bourdieu s’est attaché à décrire les rapports de domination qui s’exercent entre les individus dans tous les domaines de la société. Selon sa théorie, les dominants (groupes sociaux, ethnies, sexes) imposent leurs valeurs aux dominés qui, en les intériorisant, deviennent les artisans de leur propre domination. C’est à partir de cette grille de lecture qu’il analyse les ressorts de la domination masculine.

Comment expliquer la pérennité de la « vision androcentrique » qui continue de régir les rapports entre les sexes dans nos sociétés ? C’est, pour P. Bourdieu, parce que les structures de domination sont « le produit d’un travail incessant de reproduction auquel contribuent les différents agents : les hommes (avec des armes comme la violence physique et la violence symbolique), les femmes victimes inconscientes de leurs habitus et les institutions : famille, Église, école, État ». La démonstration commence par un long détour sur la tradition kabyle, que l’auteur a étudiée lors de ses premiers travaux d’ethnologue en Algérie. Cette culture méditerranéenne lui sert de matrice pour comprendre comment une division arbitraire entre les sexes devient « une construction sociale naturalisée ».

Chez les Berbères de Kabylie, tout l’ordre social fonctionne « comme une immense machine symbolique tendant à ratifier la domination masculine sur laquelle il est fondé » : la division sexuelle du travail (aux hommes les labours, les moissons, la guerre ; aux femmes le ramassage des olives et des brindilles de bois), la structuration de l’espace (public pour les hommes ; privé pour les femmes, confinées dans la maison), l’organisation du temps (fait de ruptures dans l’univers masculin, opposées aux longues périodes de gestation féminine).