Alors que la nouvelle série Les Anneaux du pouvoir divise les fans de Tolkien, ce livre collectif propose une analyse stimulante des rapports multiples que son univers romanesque entretient avec les sciences. L’approche des auteurs est double. D’un côté, ils prennent la légende de la Terre du milieu comme un objet complexe permettant toutes sortes de considérations scientifiques amusantes. De l’autre, ils épluchent les indices laissés dans l’œuvre de Tolkien, y compris dans ses correspondances, pour remonter aux sources des lectures savantes ayant pu nourrir son imaginaire. Il faut dire que ce poète et philosophe était avant tout un curieux insatiable, qui s’intéressait tout autant à la cosmologie, à la géologie et à la biologie qu’aux sciences humaines et aux légendes des Vikings… Les cinq cents pages de cet ouvrage sont donc bien méritées. Chacun des chapitres est écrit par un spécialiste du domaine, qui ne manque pas de souligner la qualité scientifique de la construction de l’univers imaginé par Tolkien. Vous comprendrez ainsi pourquoi les Hobbits ont de gros pieds poilus, d’où viennent les pouvoirs de l’Anneau unique, ou encore pourquoi les elfes sont dotés d’une vision surpuissante…
Cependant, comme le rappelle l’historienne Isabelle Pantin, si Tolkien voyait le monde à travers les lunettes du savoir scientifique, il n’en était pas moins critique vis-à-vis de ses dérives possibles, voyant dans la technologie une arme susceptible d’être dévoyée par les puissants et d’entraîner, de fait, une déconnexion de l’être humain d’avec son environnement. Dans sa vision de la Terre du milieu et dans son exaltation d’un monde structuré autour de la force de la communauté, au sens que lui donnait le sociologue Ferdinand Tönnies, c’est bien une forme de dégoût du romancier face au monde moderne que les auteurs mettent en lumière.