Suis-je devenu complètement fou ? Alors que la file serpente en direction de la borne de contrôle des billets, je mets de côté mon journal et commence à réfléchir. Ma vie entière s’est transformée en gymkhana sans merci consistant à remplir chacune de mes heures un peu plus chaque jour. Je suis un grippe-sou armé d’un chronomètre, vivant dans l’obsession de récupérer la moindre parcelle de temps, une minute ici, quelques secondes là. Et je ne suis pas le seul. » Journaliste canadien, et aujourd’hui porte-parole du mouvement « slow ». Carl Honoré 1 a pris conscience au début des années 2000 de son mode de vie accéléré, dans un monde lui aussi lancé à pleine vitesse… De l’économie mangeuse de ressources, et même du « turbo-capitalisme » qui pousse des individus de plus en plus jeunes au surmenage, jusqu’à la vie de famille « gérée » parfois à coups de post-it sur le frigo, en passant par la course aux informations, le gavage aux médias grande vitesse, qui font toujours plus saturer nos capacités cognitives… Nous risquons de perdre de vue ce que vivre réellement, signifie. Et que ne rien faire est aussi vivre.
« C’est comme si nous étions arrivés à la fin d’un cycle hyper-productiviste », observe Catherine Aimelet-Perissol 2, médecin et psychothérapeute. « Nous avons atteint, semblerait-il, la limite que peut supporter notre cerveau en termes de stress, de pression et d’exigence d’efficacité, dans cette course en avant désespérée, comme si nous avions à chaque fois à échapper à quelque chose… Cette surexigence et ce désir de surpuissance peuvent aboutir à des drames. Et ce phénomène est en lien immédiat avec la pression du temps, et notre façon de le vivre. »