Entretien avec Marilou Bruchon-Schweitzer

De la recherche au terrain

Sciences Humaines : Quels rapports existent entre la psychologie de la santé et le milieu de la recherche et de la pratique médicales ?

Marilou Bruchon-Schweitzer : Pour comprendre la nature de ces rapports, il faut rappeler que certains psychologues travaillant dans des services médicaux se sont longtemps inspirés de la psychanalyse et de la psychosomatique, soutenant que la plupart des maladies étaient liées à un problème non résolu pendant l'enfance, à un conflit intrapsychique ancien, etc. Ces affirmations ne sont pas nécessairement fausses et peuvent parfois être utiles, mais elles sont fondées sur des intuitions et non sur des preuves. Dans un premier temps, les biologistes et les médecins ont confondu psychosomatique et psychologie de la santé, sans savoir que cette dernière utilise la démarche scientifique, en mettant à l'épreuve ses hypothèses sur des échantillons importants de patients, avec une méthodologie valide et rigoureuse et des techniques d'analyses des données adéquates. La psychologie de la santé a mis en France une quinzaine d'années pour se faire reconnaître, en collaborant avec les équipes médicales qui se sont rendu compte de la qualité des recherches menées. Mais une certaine méfiance persiste encore parfois, par exemple avec certaines instances de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Pourtant, nous reconnaissons le rôle des facteurs biomédicaux et environnementaux impliqués dans les maladies aiguës et chroniques et nous les prenons en compte dans nos recherches. Nous ne prétendons pas tout expliquer par des facteurs psychosociaux.