Ces deux conférences de Claude Lévi-Strauss, reliées par le fil rouge des écrits de Montaigne, mettent en évidence le cheminement de la pensée de l’anthropologue. Comme le souligne Emmanuel Desveaux, éditeur et préfacier, la première reflète un « moment diffusionniste » partagé par Paul Rivet et Lévi-Strauss. Ce moment ne durera pas pour ce dernier, inspiré qu’il sera par le culturalisme et sa rencontre avec Roman Jakobson. Mais, pour le Lévi-Strauss de 1937, le contact et la diffusion des cultures sont encore des gages de pérennité et de progrès. L’autre thème de la conférence est l’affirmation que l’ethnographie est une science révolutionnaire. Elle le serait parce que le regard éloigné permet le relativisme, l’interrogation et l’esprit critique. On est donc avec Montaigne. Lévi-Strauss, ex-secrétaire des étudiants socialistes, est un compagnon de la CGT. Pour appuyer son propos, il ne manque pas de mentionner « le développement remarquable de la science ethnographique », grâce à la Révolution de 1917. Une génération de jeunes chercheurs s’est en effet rendue en Sibérie et en 1924 Lev Sternberg a établi le Comité des peuples du Nord. Mais Lévi-Strauss a néanmoins un peu de retard. Dès 1927, l’institution est tombée sous la férule stalinienne, et a fermé depuis.
De Montaigne à Montaigne
De Montaigne à Montaigne, Claude Lévi-Strauss, EHESS, 2016, 96 p., 8 €.