Des dauphins et des jeux

Le jeu sert à exercer son corps, développer des rapports sociaux, s’entraîner à la « vraie vie » et se faire plaisir. Exemples avec un animal considéré comme joueur par excellence : le dauphin.

Selon l’éthologie, la science qui étudie les comportements des animaux (et des humains), le jeu n’a pas pour fonction de satisfaire les besoins primaires de l’animal comme la faim par exemple, et n’intervient pas dans les phénomènes migratoires (présents chez de nombreuses espèces de cétacés notamment). Bien qu’il n’existe à ce jour aucune définition consensuelle du jeu, il est sans but, répétitif (même s’il génère de la nouveauté), amusant (c’est même l’antithèse du comportement « sérieux »), et enfin, ludique. Il a lieu lorsque le succès reproducteur de l’individu n’est pas menacé, et pourrait être un indicateur de bien-être. Par ailleurs, il est relativement aisé de distinguer une activité de jeu d’une autre : la petite mélodie du mouvement cesse ou s’emballe pour signifier la fin ou le commencement du jeu, la fin ou le début de cette source de plaisir et d’émotions positives.

Pourquoi jouer ?

Le jeu est souvent considéré comme un apprentissage de la vie : avec lui, les jeunes animaux prennent connaissance de leur environnement physique et social. Ils vont aussi développer, perfectionner et affiner leurs aptitudes motrices en jouant. De manière générale, ces activités se déroulent dans une atmosphère sécurisante pour les animaux qui peuvent à loisir développer leurs aptitudes et leur flexibilité à résoudre des problèmes, tenter de nouveaux comportements et en tester les conséquences sans que cela ne leur soit préjudiciable ou qu’ils ne soient mis en réel danger. Ce contexte est la situation idéale pour tester de nouvelles choses et vivre des aventures inédites.

Prenons l’exemple des grands dauphins (Tursiops truncatus) : non pas qu’ils soient les seuls à jouer, mais ils représentent l’espèce de cétacés la plus étudiée. L’âge est un facteur qui contribue à l’expression de cette activité, les jeunes dauphins jouent plus que leurs aînés, qui pourtant continuent de jouer. Le jeu aiderait le jeune animal à trouver sa place dans le groupe, à identifier et à interagir avec certains autres membres. Lors des jeux sociaux, le jeune apprendrait à réguler ses émotions mais aussi à reconnaître les états émotionnels de ses partenaires. De manière générale, le jeu nourrit et affine donc les compétences sociales. À travers lui, les jeunes dauphins développent et perfectionnent leur sensori-motricité : ils seront plus affûtés pour rechercher de la nourriture, fuir face à un danger, se battre ou trouver un partenaire sexuel. Les jeunes animaux développent aussi leurs capacités acoustiques : après les babillements du début, ils deviennent experts en production et réception des différents sons (sifflements, clics et sons pulsés en rafale). Les activités de jeu sont dans leur grande majorité agréables et sources de plaisir, ce qui a pour effet de les auto-entretenir et d’inciter les jeunes dauphins à les rechercher. Parce que les jeux se renouvellent sans cesse, ils ne sont pas ennuyeux et demeurent donc attrayants pour ceux qui les engagent. Cependant certains jeux sont plus musclés que d’autres ou plus douloureux. Contrairement aux femelles, les jeunes dauphins mâles s’y montrent parfois assez violents, se mordant, se bousculant et se frappant avec violence. Des facteurs neurobiologiques (les hormones notamment) ou des différences au niveau de la socialisation expliqueraient ce phénomène. Des recherches rapportent ainsi l’exemple d’un jeune dauphin saisissant sans ménagement un crabe, nageant avec lui coincé dans sa gueule, le lâchant avec toujours aussi peu de délicatesse pour l’attraper avant qu’il ne touche le sol, jusqu’à ce que le crustacé pince la langue du jeune animal qui alla rejoindre précipitamment sa mère.