Des décisions standardisées ?

La « révolution » de la gestion constitue l’un des grands enjeux de la justice aujourd’hui. De multiples critères d’évaluation chiffrée encadrent désormais l’activité du magistrat et cherchent à mesurer sa productivité. Ces dispositifs correspondent au souhait de disposer d’une justice plus efficace au meilleur coût, mais ne sont pas sans effets sur la façon dont les magistrats conçoivent leur métier et prennent leurs décisions. En ce sens, les innovations intervenues et les nouveaux critères de gestion influent sur la « production » de l’appareil judiciaire.

 

Paradoxalement, la multiplication des filières de « réponse pénale » dans les parquets, conjuguée à la pression de la productivité, a débouché sur un phénomène nouveau dans la magistrature : de plus en plus, l’orientation des cas soumis au parquet se fait à partir de « barèmes », de guides, ou autres tableaux où la décision est fixée à l’avance. Ainsi, en fonction du taux d’alcool, ou de la quantité de substance stupéfiante détenue, l’affaire sera orientée en troisième voie ou débouchera sur une comparution. Le développement de ces « échelles » s’explique par le contexte généré par le traitement en temps réel des affaires pénales (TTR). Le substitut doit répondre très vite aux appels qui se succèdent, alors que la panoplie des réponses possibles s’est très largement étendue. Le temps manque alors pour examiner chaque situation, chaque personnalité, trouver la réponse adaptée, et chacun préfère finalement s’en remettre à des standards préétablis. Ces barèmes ou guides représentent une sécurité pour le substitut, qui pourra les invoquer en cas de critique. Les jeunes magistrats qui débutent y trouvent matière à se rassurer. Tout le monde apporte la même réponse à une situation donnée par la police.