Sciences Humaines: Les enquêtes ethnologiques sur les peuples de Nouvelle-Guinée ont longtemps affirmé que les femmes étaient exclues des rituels d'initiation masculine. Or, lors de vos séjours chez les Ankave, vous avez fait des observations qui remettent sensiblement ces constats en question...
Pascale Bonnemère: Beaucoup d'anthropologues spécialistes de la Nouvelle-Guinée ont observé des rituels lors desquels tous les garçons d'une classe d'âge subissent des épreuves visant à les intégrer dans la communauté des hommes adultes, à leur enseigner des règles de la vie sociale, et, par le passé, à en faire de courageux guerriers. Or, pendant les quelques semaines qu'ont duré les rituels, je suis restée auprès des mères des novices à l'intérieur d'un grand abri de branchages spécialement érigé pour elles à l'orée du hameau. Agés d'une dizaine d'années, leurs fils venaient d'être amenés par les hommes en forêt, à l'écart du regard des villageois. Ces femmes, collectivement recluses, se sont abstenues de plusieurs aliments, ont renoncé à certains gestes et se sont rendues tous les matins à l'aube auprès d'un ruisseau pour tremper la cape neuve d'écorce battue que les experts rituels leur avaient donnée au début des cérémonies.