Des « Motivé(e)s »... démotivé(e)s

Lors des élections municipales de 2001, une liste « Motivé(e)s » (31 femmes et 30 hommes) se monte à Rennes. Comme les autres listes Motivé(e)s, elle se constitue autour du rejet du jeu politique dans son ensemble. Se revendiquant apolitique, elle dénonce dans ses tracts « les politiciens et les technocrates », « les sept listes en présence ». Outre un noyau d’anciens militants politiques, elle se compose essentiellement de militants de proximité dans des associations de quartiers, de socioculturel, d’éducation populaire, de parents d’élèves… Souhaitant que les « citoyens de base se bougent », les Motivé(e)s rejettent la forme partisane, et donc tout organe de représentation et toute forme de délégation de pouvoir. N’affichant pas de programme, elles refusent de siéger au conseil municipal si leur score leur permettait d’avoir un élu (la liste fera finalement 8,22 %), préférant le rôle de contre-pouvoir.

Mais cette radicalité s’avère difficile à faire vivre tant est forte la tendance à revenir à des fonctionnements politiques classiques. Impossible d’avancer lors des états généraux des listes Motivé(e)s de 2001 : les membres présents ne se sentant pas autorisés à parler au nom des absents, les débats s’éternisent, aucune décision n’est possible. Des désaccords apparaissent entre ceux qui refusent toute forme d’organisation et ceux qui estiment nécessaire de faire un minimum de concessions (porte-parole, secrétariat, bureau exécutif…). À Rennes, certaines décisions prises sans discussion par le meneur, devant rester provisoires et dictées par l’urgence, se pérennisent et s’avèrent difficiles à remettre en cause .Aussi vif est le « rappel à l’ordre » des établis. Élus et candidats des autres tendances accusent les Motivé(e)s de et , en jouant le jeu des élections tout en refusant les postes. Les médias, après un mouvement de sympathie, s’irritent des fonctionnements inhabituels de ces listes : pas de porte-parole identifiable, pas de programme, objectifs flous, huis clos lors des états généraux. Les comptes-rendus se font alors critiques de cette ().Plus fondamentalement, les membres des listes Motivé(e)s sont assez vite désabusés par la faible implication, la passivité des citoyens (hors période électorale). Peu viennent aux réunions ou participent aux forums sur Internet. Le mouvement repose finalement sur les plus aguerris des militants, tendant ainsi à rejoindre une logique représentative qui semble finalement convenir aux citoyens. Ce d’autant que les rétributions du militantisme sont ici très faibles : pas de rétributions matérielles (postes politiques), flou identitaire, pas de postes de responsabilité en interne… Une démobilisation qui traduit la . • « Marginalité en politique et processus d’institutionnalisation. Les mouvements Motivé(e)s et citoyens » Christine Guionnet, Lionel Arnaud et Christine Guionnet (dir.), , Presses universitaires de Rennes, 2005.