Il y a quinze ans, bien peu d'économistes s'intéressaient aux problèmes de développement local et d'économie régionale. Depuis les années 50, la dynamique économique semblait n'avoir pour cadre spatial qu'un horizon mondial débordant de toute part les frontières nationales. Dès lors, pourquoi s'intéresser à la dimension locale ou régionale des phénomènes économiques si ceux-ci relèvent de manière croissante d'une logique transnationale ?
Les choses ont aujourd'hui bien changé. Une formule symbolise ce nouvel état d'esprit : « Penser globalement, agir localement ». Elle suggère l'idée que le niveau local est aussi important que le niveau global pour comprendre le fonctionnement actuel de l'économie.
Ainsi, sous l'impulsion de l'Américain Paul Krugman, les spécialistes de l'économie internationale tendent, depuis les années 80, à ne plus considérer les économies nationales comme des espaces indifférenciés mais comme des ensembles de localisations ayant des caractéristiques particulières (lorsqu'une entreprise investit en France, elle investit en fait dans une région ou une ville). L'industrie s'est elle aussi mise à intégrer les aspects territoriaux dans les stratégies des entreprises. L'analyse de la concurrence à laquelle les territoires se livrent pour attirer les entreprises s'est développée en prolongement de l'économie publique locale.
Enfin, des courants de recherche se sont attachés à spécifier les formes et conditions d'un développement économique fondé sur la valorisation des spécificités et synergies locales.
Ce nouvel intérêt pour l'économie locale résulte de deux phénomènes liés : d'une part, l'affaiblissement dans les années 70 des politiques d'aménagement du territoire fondées sur une répartition volontariste d'investissements industriels et, d'autre part, l'essor des politiques de décentralisation renforçant les pouvoirs des collectivités locales.
Il reste cependant à préciser la place du développement local dans le processus de globalisation économique.
De nombreux travaux actuels soulignent que l'économie est à la fois globalisée et localisée (local globalisation en anglais). Cette double dimension n'est pas nouvelle si l'on caractérise ainsi la dissociation entre l'espace d'action des agents économiques et leur implantation géographique. Pour reprendre les termes de François Perroux, l'espace économique des entreprises, à savoir l'ensemble des relations économiques qu'elles nouent avec d'autres agents, a depuis longtemps dépassé leur espace géographique, c'est-à-dire leur région ou ville d'implantation. Ce qui est nouveau, c'est le contenu des deux termes, globalisation et localisation.
Du côté de la globalisation, les phénomènes marquants sont le passage du cadre d'action des entreprises à une autre échelle, celle du monde. Et ce ne sont plus seulement les marchés qui s'élargissent, mais aussi l'organisation de la production, la recherche du financement, la coopération technologique... Du côté de la localisation, la caractéristique nouvelle est que les lieux, villes ou régions, ne sont plus singularisés par des ressources passives (matières premières, production agricole ou manufacturière...), comme dans la théorie des avantages comparatifs, mais par des ressources construites par l'organisation territoriale des acteurs et les politiques de développement local. Placés en concurrence, les territoires se singularisent en s'attachant à construire et à mobiliser des ressources spécifiques.
Ce nouveau contenu de la relation globalisation/localisation entraîne des changements importants dans la représentation d'une économie locale et de son développement. Deux de ces changements sont complémentaires : on ne peut plus confondre développement local et développement endogène ; la polarisation n'est plus ce qu'elle était.