Chaque dimanche, des amis se retrouvaient au café des Phares, place de la Bastille à Paris, pour débattre entre eux de sujets de philosophie. Leurs discussions auraient continué ainsi dans l'anonymat si, au cours du printemps 1992, un quotidien n'avait révélé cet étrange rituel. L'un des amis eut alors une idée : pourquoi ne pas ouvrir le débat à tous ceux, philosophes ou non, qui voudraient bien se joindre à eux ? Ainsi naquit le premier café philo. Cet ami : Marc Sautet, lecteur de Socrate et de Nietzsche, et déjà initiateur du premier cabinet de philosophie qui proposait pour tout viatique à ses « patients » des conseils empruntés aux grands philosophes. Sous son apparente nouveauté, la création du café philo renouait avec une tradition ancienne : celle des cafés littéraires apparus dès le xviie siècle et perpétuée par le quartier Saint-Germain.
Malgré la polémique autour des propos ambigus de M. Sautet sur l'existence des chambres à gaz 1, le succès du premier café philo ne s'est pas démenti dix ans après sa création. Le « concept » a même essaimé un peu partout en France et à l'étranger. Combien ont été créés ? Difficile à dire. Plusieurs centaines d'après certaines estimations. Beaucoup ont disparu, mais d'autres naissent régulièrement. Depuis 1999, les cafés philo ont leur colloque international annuel. Mieux, ils ont fait des émules dans d'autres disciplines. Psychologie, géographie, ethnologie ou encore sciences de l'éducation... la plupart des sciences humaines et sociales ont désormais un café ou plutôt leurs cafés, à Paris et en province. Chaque manifestation (salon du livre, salon de l'éducation, festival d'histoire ou de géographie...) est par ailleurs l'occasion de débats autour d'un verre.