En l'an 2000, un peu plus de 150 000 étrangers ont acquis la nationalité française. Les uns en vertu du droit du sol (jus soli) : nés en France, il ont pu l'obtenir au cours de leur adolescence. Les autres en épousant un(e) Français(e) ou en se faisant naturaliser.
Le droit du sol a été introduit, en France, dès 1515 par un arrêt du parlement de Paris. On l'oppose ordinairement au droit du sang (jus sanguinis) fondé sur la filiation. La France, pense-t-on souvent, est restée fidèle à ce principe, tandis que d'autres pays, à commencer par l'Allemagne, auraient privilégié le jus sanguinis, ce choix étant lié à la conception de la nation : élective, dans le cas de la France, ethnique, dans le cas de l'Allemagne.
Aussi ancrée soit-elle dans les esprits, cette opposition est loin de refléter la réalité d'aujourd'hui comme d'hier. Elle entretient de surcroît un amalgame entre la nationalité et la conception de la nation. Comme le précise Patrick Weil, la nationalité est « une technique d'attribution d'un Etat à un individu tandis que l'idée qu'on se fait de la nation recouvre les mécanismes d'incorporation, d'identification d'un groupe ou d'une collectivité à la communauté nationale ».
Avec cet ouvrage, ce spécialiste des questions d'immigration et de nationalité réalise une première. Jusqu'à présent, la nationalité a été l'objet de nombreux travaux d'histoire mais toujours limités à une période. Celui de P. Weil retrace cette histoire des origines à nos jours, en s'appuyant sur des archives de différents fonds, d'administrations et d'hommes politiques, dont certaines inédites. Un travail de longue haleine (huit ans) et méticuleux comme en témoigne l'appareillage de notes (près d'une centaine de pages en fin d'ouvrage).
L'histoire qu'il nous retrace est jalonnée d'une succession de textes de lois et de débats essentiellement juridiques. C'est que, longtemps, la nationalité a été une affaire de juristes. D'où ce sentiment que le droit de la nationalité est indépendant du politique et les hésitations à le remettre en question même lors d'un changement de régime.
Le droit de la nationalité n'en a pas moins évolué aussi en fonction du contexte politique national et de la perception de la situation du pays au regard des flux migratoires. De l'écheveau de réformes et de législations accumulées au fil du temps, P. Weil dégage ainsi pour la France trois grandes périodes.