Les anthropologues, pour la plupart, considèrent que leur objet d'étude principal est la culture et, pendant longtemps aux Etats-Unis, l'anthropologie s'est appelée « culturelle ». Pour autant, une bonne définition de la culture humaine leur manque encore cruellement. En général, ils se contentent d'un énoncé assez vague du genre : « La culture est la connaissance dont l'individu se sert pour s'entendre avec les membres de son groupe. » Mais cet énoncé consensuel juxtapose deux notions difficiles à concilier : l'individu et le groupe. Selon leur tradition intellectuelle, les anthropologues ont donc donné priorité à l'une ou à l'autre.
Certains, comme Clifford Geertz, considèrent que la culture est avant tout un fait collectif, social. Ils font remarquer, avec raison, que les gens ne construisent pas tout seuls leur vision du monde, mais s'approprient des idées qui, sans qu'ils le sachent nécessairement, leur viennent des autres. On ne peut donc pas étudier la culture comme on dépouillerait, un par un, le contenu des cerveaux des individus. Cela ne veut pas dire que les cultures constituent des ensembles d'idées parfaitement stables et délimités : au contraire, les anthropologues n'ont cessé d'insister sur le fait que les gens sont souvent tiraillés entre des idées dominantes dans une société et le besoin de se construire une vision personnelle et cohérente du monde. Les « culturalistes » (c'est ainsi qu'on les nomme) voient dans les cultures des systèmes de symboles utilisés par les gens pour communiquer entre eux. Chacun de ces systèmes serait le produit d'une histoire collective spécifique dominée ou non, selon le cas, par certaines forces économiques ou environnementales. Les partisans de cette conception considèrent que l'étude de la psychologie individuelle est inutile à leur projet : selon eux, l'individu est le produit et non la source du langage et de la culture qu'il manie. Ainsi, on attribue à Edward Sapir et à Benjamin Lee Whorf, deux anthropologues et linguistes américains, l'idée (qu'ils n'ont peut-être jamais vraiment formulée) que la différence des langues induit chez les locuteurs des visions fondamentalement différentes du monde. Le langage serait donc le fondement de la culture dans la mesure où il conditionne le contenu de notions aussi fondamentales que le temps, les catégories de la nature, etc.
Les conceptions des culturalistes sont implicitement liées à l'idée que les êtres humains diffèrent radicalement des autres animaux. Selon eux, cette différence tient au fait que chez les non-humains, l'information est transmise principalement par les gènes, alors que chez l'homme, elle circule par le moyen du langage et d'autres vecteurs de communication. Ainsi, si le contenu du cerveau d'un écureuil devrait tout à son hérédité biologique, celui d'un homme serait modelé par ce que d'autres hommes lui ont appris. Cette différence fondamentale induit l'idée que la culture est, chez l'homme, un phénomène libre de toute contrainte naturelle et universelle. D'où l'intérêt marqué des culturalistes pour l'étude des différences entre les cultures.
L'école culturaliste se nourrit également du rejet de deux autres genres de théories, récurrentes dans le champ de l'anthropologie. La première est une théorie en apparence opposée au culturalisme en ce sens qu'elle affirme l'indépendance de l'esprit et de la volonté des individus par rapport aux effets de l'histoire. L'école transactionnaliste, à laquelle se rattachait leNorvégien Fredrik Barth, défend cette position. Elle part du principe que tous les êtres humains se ressemblent sur le fond et qu'ils sont motivés par le même désir de maximiser leur satisfaction. En conséquence, la culture particulière, socialement transmise, dans laquelle ils baignent n'aurait qu'une incidence secondaire sur leur manière d'être et de penser. Cette position recouvre souvent un libéralisme implicite, comme chez Bronislaw Malinowski, qui se plaisait à souligner la liberté de choix des individus et le fait qu'ils ne sont en aucun cas de simples automates, prisonniers du fardeau symbolique accumulé par les générations antérieures.