Cet ouvrage offre un ensemble de contributions d'experts de l'éducation. On y trouvera par exemple une réflexion sur le paradoxe de la démocratie qui, en visant à la plus grande liberté possible des individus, doit, pour survivre, contraindre ceux-ci à être éduqués ; ce qui ne manque pas de poser problème, à l'heure où les systèmes scolaires des pays occidentaux se sont engagés dans un enseignement de masse. Ce paradoxe qui implique, comme le souligne le philosophe Alain Renaut, une relation asymétrique entre l'éducateur et l'éduqué, renforce pour des auteurs comme Guy Coq « la vocation de l'école » à demeurer une institution qui véhicule une culture scolaire bien spécifique, fondée sur la méritocratie. Par ailleurs, le développement des attentes vis-à-vis de l'école aurait engagé les familles dans des attitudes consuméristes forcément déçues, puisque - selon Monique Hirschhorn - « la qualité de l'éducation dépend de l'implication du consommateur ».
Le sociologue Raymond Boudon rappelle et confirme son enquête célèbre, publiée dans un livre qui avait fait date (L'Inégalité des chances, 1973). Au moment où la théorie de la Reproduction régnait de façon quasi hégémonique, il en avait pris le contre-pied en mettant en évidence le rôle prédominant joué par les différences d'attitudes des familles face aux inégalités scolaires. D'où, conclut-il ici, l'inutilité des réformes pédagogiques et l'échec des politiques d'éducation. De son côté, la sociologue Nathalie Bulle s'inscrit en faux contre tous les courants de psychologie de l'enfant qui ont soutenu le bien fondé des pédagogies « actives ». Pour elle, c'est la montée du « pédocentrisme » et « l'idéologie de l'efficience », qui, aux Etats-Unis comme en France, ont fait reculer les enseignements académiques devant des notions comme celles de la compétence ou de la transdisciplinarité, entraînant une dégradation des systèmes scolaires...
Le poids de telles contributions, dont on ne peut donner qu'un aperçu réducteur, et l'aura de leurs auteurs ne parviennent cependant pas à masquer l'impression que donne au final cet ouvrage, plus idéologique que scientifique : celle d'un recueil polémique visant à sauver un type d'école - dite par certains « républicaine » - de tradition académique et méritocratique.